Roman: « Mon père, ce tueur », de Thierry Crouzet, l’autre face de la médaille militaire

Mercredi 6 novembre 2019 / Danièle Secrétant

Mon père, ce tueur. Il faut être très courageux, ou poussé par une absolue nécessité, pour écrire ce genre de récit-témoignage, qui n’a laissé que très peu de place à la fiction, dit Thierry Crouzet. Mon père était un tueur, annonce-t-il avec calme, avec même un certain étonnement dans la voix. Tel qu’il en parle, il ne s’agit pas d’un psychopathe, il s’agit d’un homme à la personnalité complexe embarqué dans une histoire elle aussi complexe : la guerre d’Algérie. Il s’agit de l’histoire partielle d’une lignée d’hommes portés vers la violence, de génération en génération.

Factuel publiera, dans les jours à venir, une chronique sur le dernier ouvrage de Thierry Crouzet, un récit très autobiographique : Mon père, ce tueur, sorti en août 2019, édité par La manufacture de livres. Un récit, une interrogation majeure, à partir d’une histoire de violence individuelle, de crainte d’une transmission familiale de cette violence, en guise d’héritage. Qui était cet homme, qui était ce père, ce tueur ? C’est aussi une histoire de violences collectives avec pour contexte, la guerre d’Algérie. C’est enfin une histoire de l’addition de ces violences, vécue par un enfant, par un adolescent, décryptée plus tard par un homme.

L’auteur a accepté de témoigner pour Factuel. Ou plutôt, d’expliquer comment l’enfant qu’il fut a vécu sous l’ombre d’un père qu’il voyait comme un surhomme, beau, grand, costaud… Il explique comment, brutalement, l’image du père s’est effritée, pour laisser place à celle d’un homme terrifiant. Il décrit le lent cheminement de l’écriture de cette histoire, vers l’acceptation de son édition.

« Il m’est difficile de mesurer combien cette pression qui a longtemps pesé sur moi m’a façonné. Je reste encore souvent sur la défensive, méfiant, sur le qui-vive, surtout quand je suis au milieu d’une foule. Ce n’est que seul, dans la nature, que je me sens libre, soulagé, protégé » a écrit Thierry Crouzet. Une nature dans laquelle il se réfugie grâce à de très longues randonnées à vélo, une nature qui lui permet de tenir à distance les démons qui encore parfois viennent le mettre à l’épreuve, il le reconnaît. Quand on a grandi dans une ambiance de violence, sans pouvoir identifier ce mal dans lequel sa famille baignait, il est difficile de se défaire de certaines pulsions vers la colère, vers l’agressivité. Thierry Crouzet dit qu’il a appris à se connaître, à sentir venir cette « chose » qui rampe en lui, qu’il a appris à la maîtriser, à ne pas passer à l’acte.

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