Ce matin dans le Journal de l’Histoire, Anaïs Kien revient sur l’accès aux archives, une question sensible parmi les historiennes et historiens depuis quelques semaines maintenant…
Deux tribunes publiées dans les pages du Monde daté du 13 février, sonnent l’alerte au sujet d’une « restriction sans précédent de l’accès aux archives contemporaines ». Cette indignation s’accompagne d’une protestation de chercheurs étrangers. Parmi les signataires, on trouve de grands noms de l’histoire contemporaine tel que Robert Paxton, spécialiste de la politique de collaboration du régime de Vichy.
Des documents consultables depuis des décennies ne sont plus accessibles aujourd’hui
Les archives ne sont pas fermées mais les temps de communication des documents sont rallongés considérablement, parfois sans information sur l’issue de cette attente. Les signataires des deux textes ne remettent pas en cause la nécessité de contrôler des documents sensibles pour la sécurité nationale mais dénoncent une application abusive de la loi sur les archives de 2008 sans réflexion sur ses conséquences et rappellent que « depuis la Révolution française, la République garantit aux citoyens l’accès aux archives de l’Etat, accès considéré comme une protection indispensable contre l’arbitraire ».
Le fameux tampon « secret » se retrouve parfois sur des documents déjà bien connus, voire publiés. Dans la pétition qui prolonge la tribune du Monde, les auteurs mettent en doute, par exemple, la pertinence d’interdire la consultation des plans du débarquement en Normandie, on peut en douter avec eux.
Ce blocage des archives, on le doit à l’IGI 1300
L’IGI 1300 est une « instruction générale interministérielle » de 2011, une super circulaire, qui met en application la loi sur les archives de 2008. Une mise en application qui intervient 11 ans après le texte législatif, au moment où, pourtant, le président Macron affiche une attitude bienveillante à l’égard de la recherche en ouvrant les archives sur la disparition du militant communiste Maurice Audin, et plus largement sur les disparus de la guerre d’Algérie.
Les fonds du Service historique de la Défense sont particulièrement touchés. Avant les chercheurs avaient accès à un dossier ou un carton d’archives et si des documents classifiés s’y trouvaient on considérait, de fait, qu’ils étaient consultables sans avoir à être déclassifiés. Aujourd’hui ces documents ne sont plus accessibles et avec eux l’ensemble du dossier ou du carton, par mesure de précaution, tant qu’il n’a pas été tamponné « déclassifié » matériellement, c’est à dire tamponné manuellement explicitement et pièce par pièce. Un travail gigantesque.