« Nous dénonçons une restriction sans précédent de l’accès aux archives contemporaines de la nation »

La décision de déclassifier un par un les documents de la période 1940-1970 portant le tampon « secret », dont la plupart étaient pourtant accessibles à tous depuis longtemps, porte atteinte à l’accès aux sources et bloque des recherches en cours, alerte un collectif d’historiens dans une tribune au « Monde », qui en appelle au code du patrimoine.

Publié le 13 février 2020 à 06h00

Tribune. Faut-il encore s’inquiéter de l’accessibilité au public des plans du débarquement du 6 juin 1944 soixante-quinze ans après la seconde guerre mondiale, lesquels portent un tampon « secret » ? Protéger des informations secrètes est essentiel. Qui en douterait ? A condition toutefois que ces informations soient réellement sensibles et qu’elles constituent toujours un secret-défense. Quand il n’y a plus de secret, il ne devrait plus rien y avoir à protéger.

Pourtant, le service historique de la défense annonce la nécessité d’une « déclassification » formelle de tous les documents portant les fameux tampons « secret » depuis 1940. Pièce par pièce. Cette mesure provoque déjà une paralysie du service. Elle entraîne des délais de communication très longs, voire l’impossibilité d’accéder à des archives pourtant communicables de plein droit selon le code du patrimoine. En effet, les archives dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l’Etat dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique doivent être accessibles à tous après une échéance de cinquante ans.

Des délais largement échus

Tout le paradoxe est là : des délais d’accessibilité existent pour ces documents et ces délais sont aujourd’hui largement échus pour la majeure partie des documents produits avant 1970. Mais on évoque une instruction générale interministérielle de 2011 pour justifier une nécessaire « déclassification » formelle des documents secrets avant toute communication aux lecteurs. Pourquoi cette soudaine volonté de déclassifier des documents considérés jusqu’à il y a peu comme accessibles à tous ? Pourquoi prendre le risque d’entraver gravement les recherches historiques ?

Au-delà du service historique de la défense, où la tâche est particulièrement titanesque compte tenu de la nature des archives qui y sont conservées, cette nouvelle mesure concerne toutes les archives publiques. Ce sont plusieurs centaines de milliers de documents et des dizaines de kilomètres linéaires de papiers qui doivent être regardés un à un au nom de cette application abusive, et partant dangereuse, du principe de protection du secret de la défense nationale exigée par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

Une restriction sans précédent de l’accès aux archives contemporaines de la nation sous le prétexte abusif de la nécessité de protection du secret de la défense est en cours.

 

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