Dans son rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie, l’historien Benjamin Stora appelle à accorder davantage de place à l’histoire de la France en Algérie dans les programmes scolaires français. Cette histoire, si elle n’a jamais été éludée à l’école de la République, s’est problématisée et politisée au fil du temps. Son traitement suscite passions et controverses. Pourquoi ?
Omniprésente dans l’imaginaire français, la guerre d’Algérie prise dans les rets de l’histoire et les enjeux mémoriels, est perçue comme un sujet délicat à enseigner à l’école de la République. Les débats font régulièrement rage entre ceux qui regrettent que ce sujet soit absent dans les programmes scolaires, du moins pas aussi présent qu’il devrait être compte tenu de ses traces dans les mémoires et dans la société française contemporaine, et ceux qui estiment que la question franco-algérienne ne fait pas partie des « fondamentaux » de l’histoire de la France au même titre que la Révolution française ou les Lumières. Dans ce contexte, les préconisations du rapport que l’historien Benjamin Stora a remis en début d’année au président de la République Emmanuel Macron, appelant à renforcer l’enseignement de l’histoire de la colonisation algérienne semblent difficiles à mettre en œuvre, alors même que, si on en croit les enseignants, il y a une demande de la part des élèves pour mieux connaître cette histoire.
Beaucoup d’idées toutes faites circulent dans le champ social concernant la place de la colonisation, plus particulièrement celle de l’Algérie, dans l’enseignement scolaire. Pour Benoît Falaize (1), spécialiste de l’enseignement de l’histoire dans les collèges et les lycées de France, rien ne serait plus erroné que d’affirmer que la guerre d’Algérie n’est pas enseignée dans les écoles françaises. Ce chercheur qui a recensé tous les manuels scolaires d’histoire depuis les années 1970 jusqu’à y avoir compté le nombre de signes des documents et des légendes des images, s’élève avec véhémence contre cette idée toute faite. Il aime rappeler qu’il a même repéré la formule « bourbier algérien » dans un manuel daté de 1983. C’est la preuve, pour l’historien, que les heurs et malheurs de la colonisation ne sont pas des sujets tabous dans les écoles de la République.