Soixante ans après la répression meurtrière des manifestants algériens, les médias ont évoqué des bilans très variables, allant de «plusieurs dizaines» de tués, à «plusieurs centaines». Le reflet de la controverse historique qui a longtemps prévalu. Mais aussi, souvent, le fruit d’erreurs de journalistes.
Question posée par Sylvain le 16 octobre.
Bonjour,
«Plusieurs dizaines de morts» selon l’AFP ou France Info, «au moins 120» selon le Monde, la Croix ou le JDD (et encore bien d’autres), et «200» pour Libé. Vous nous avez interrogés sur le bilan, ou plutôt les bilans, du massacre par la police, le 17 octobre 1961, à Paris, de manifestants algériens venus à Paris, à l’appel de la Fédération de France du FLN (Front de libération nationale). Il a fallu le travail de plusieurs militants et historiens pour sortir d’un long déni sur les exactions commises ce jour-là. En 2012, François Hollande a reconnu «une sanglante répression». Cette année, Emmanuel Macron est allé plus loin en dénonçant des «crimes inexcusables pour la République» commis «sous l’autorité» du préfet de l’époque, sans faire remonter explicitement au-dessus la responsabilité de ce que d’aucuns voudraient voir qualifier de crime d’Etat. Il est largement acquis, depuis des décennies déjà, que le premier bilan officiel, trois morts, fut ridiculement minimisé. Mais le sujet de l’ampleur du vrai bilan a été l’objet d’une longue controverse historique. Les différentes estimations évoquées par les médias sont, d’abord, le reflet de cette controverse. Mais certains chiffres qu’on a pu lire ce week-end traduisent aussi, souvent, des fautes ou raccourcis. Une erreur a ainsi conduit de très nombreux médias à confondre le décompte des tués de la seule nuit du 17 octobre avec le recensement des victimes algériennes des violences policières sur l’ensemble des mois de septembre et octobre 1961.