Ce jeudi, les députés ont adopté le projet de loi qui vise à reconnaître et à indemniser cette communauté longtemps stigmatisée.
s’agit de « dépasser dénis et tabous », a martelé la ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants Geneviève Darrieussecq. L’Assemblée nationale a donné jeudi un premier feu vert au projet de loi pour demander « pardon » aux harkis et à leurs familles. Leur histoire tragique a parfois suscité l’émotion à l’Assemblée nationale, où planent encore les fantômes de la guerre d’Algérie. Le texte, voté en première lecture par 46 voix contre 1 et 6 abstentions, est maintenant attendu au Sénat.
Près de 130 amendements avaient été déposés sur le texte qui se veut la traduction législative d’un discours d’Emmanuel Macron le 20 septembre à l’Elysée devant les représentants de cette communauté. Près de soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, le texte vise à allier dimension mémorielle et indemnisation. C’est un « tournant historique dans la reconnaissance », s’est félicitée la ministre déléguée.
Le projet de loi jongle avec le symbolique et le concret. Il reconnaît les « services rendus en Algérie par les anciens membres des formations supplétives qui ont servi la France et qu’elle a délaissés lors du processus d’indépendance de ce pays ». Jusqu’à 200 000 harkis avaient été recrutés comme auxiliaires de l’armée française pendant le conflit entre 1954 et 1962. Mais après les accords d’Evian le 18 mars 1962 consacrant la défaite française en Algérie, le gouvernement français refuse leur rapatriement massif. Seuls quelque 42 000 harkis sont évacués en France par l’armée vers des camps aux conditions de vie difficiles. D’autres y parviennent clandestinement et au total environ 90 000 personnes arrivent en France, pour la majorité entre 1962 et 1965. Le texte reconnaît également « les conditions indignes de l’accueil » qui leur a été réservé. Près de la moitié d’entre eux ont été relégués dans des camps et des hameaux de forestage.
Le projet de loi prévoit aussi la « réparation » du préjudice avec, à la clef, une somme forfaitaire tenant compte de la durée du séjour dans ces structures. D’ores et déjà, cinquante millions d’euros ont été inscrits dans le projet de budget 2022 pour abonder le fonds d’indemnisation. A gauche ou à droite, les oppositions demandent que les mesures de réparation touchent tous les harkis, et pas seulement ceux qui ont « transité par ces camps », selon le communiste André Chassaigne. De son côté, Julien Aubert (LR) a demandé à ne « pas trier » les harkis ni « hiérarchiser leurs souffrances ». Le projet de loi « n’a pas vocation à dire l’Histoire ou à décrire les souffrances », a ajouté la ministre déléguée. Selon elle, « la réparation ne peut pas tout, elle n’efface pas les souvenirs douloureux ».
« Malheur à ceux qui réactivent sans celle les termes du conflit »
Sous le regard de représentants de la communauté harkie présents en tribune, plusieurs orateurs des groupes politiques, dont certains sont des descendants de rapatriés d’Algérie, ont laissé percer leur émotion telle la rapporteure LREM Patricia Mirallès. Emotion également partagée par des députés comme David Habib (PS) ou Alexis Corbière (LFI) dont les circonscriptions comptent de nombreux descendants de ces Algériens qui ont combattu aux côtés de l’armée française avant de débarquer en métropole dans « des conditions indignes ».