La longue amnésie de l’Etat du massacre du 17 octobre 1961

Pendant des décennies, le massacre du 17 octobre 1961 a été occulté. Grâce au travail des militants et des historiens, il est désormais reconnu.

Une manifestation non-violente matée à coups de matraques

Le 17 octobre 1961, la guerre d’Algérie touche à sa fin. A Paris, le préfet Maurice Papon vient d’imposer un couvre-feu visant les « Français musulmans d’Algérie ». Ils n’ont pas le droit de circuler de 20h30 à 5h30 du matin et leurs débits de boissons doivent fermer à 19 heures.

A l’appel de la fédération française du Front de libération nationale (FLN), 20 000 à 30 000 travailleurs algériens accompagnés de leurs familles convergent vers la capitale. Le FLN leur a interdit d’être armés. La police les accueille à coups de matraques. Des dizaines d’Algériens sont jetées dans la Seine. Des milliers sont arrêtés et envoyés au Palais des sports ou au camp d’internement de Vincennes, où les exactions continuent. Difficile de savoir combien sont morts exactement, mais les chercheurs établissent un bilan allant de 150 à 200 victimes.

« L’objectif était de faire en sorte que les algériens ne rentrent pas dans Paris »

L’historien Benjamin Stora travaille depuis trente ans sur l’histoire de la colonisation française et la guerre d’Algérie. Le 20 février 2020, il a remis au président Emmanuel Macron un rapport sur la mémoire franco-algérienne : France-Algérie, les passions douloureuses (Albin Michel, 2021).

Ca m’intéresse Histoire : Quel rôle la manifestation du 17 octobre 1961 a-t-elle joué dans la décolonisation de l’Algérie ?

Benjamin Stora : Le 17 octobre 1961 se situe à cinq mois seulement des accords d’Evian [signés en mars 1962 et qui mettent fin à la guerre, NDLR]. Pour les Algériens qui organisaient la manifestation, il s’agissait de faire une démonstration de force et de peser sur les discussions en cours. Mais l’événement tragique passe tellement inaperçu qu’il n’a pas de réel impact sur les négociations entre la France et le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), qui ont continué à avancer rapidement.

Comment vivaient les “Français musulmans d’Algérie” en France ?

La situation était très dure pour les 300 000 travailleurs algériens qui vivaient en France. C’est une immigration ouvrière qui a commencé dès les années 1930. Ils travaillaient essentiellement dans la métallurgie, la sidérurgie ou le bâtiment. Ils vivaient pauvrement dans les bidonvilles à Nanterre, Asnières ou encore Gennevilliers. Une grande majorité étaient des hommes mais c’est aussi le début de l’immigration familiale. Leur quotidien est fait de travail à l’usine, huit à neuf heures par jour, et de très peu de loisirs accessibles. D’autant qu’ils étaient extrêmement surveillés, ce qui rendait leurs déplacements compliqués. Ce contexte est très bien raconté dans le roman de Claire Etcherelli Elise ou la Vraie Vie sorti en 1967 et dans le film qui s’en est inspiré, réalisé par Michel Drach en 1970.

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