Reportage
Ce village de Camargue fut le refuge, après 1962, de milliers de harkis parvenus à fuir l’Algérie. Pendant soixante ans, ils furent confrontés au mépris et à l’ingratitude de la France. Aujourd’hui, un projet de loi prévoyant une réparation financière représente pour eux un début de considération.
Un poisson tatoué nage entre les rides, le long de la main gauche d’Abdelkader Aliaoui. Dessiné à l’encre bleue, il est surmonté d’un mot, inscrit en lettres capitales : « LIBERTÉ ». « Le poisson, il est libre d’aller où il veut, d’un côté ou de l’autre de la mer. » Né en 1931 en Algérie, le vieil homme s’est assis, chèche noué sur le haut du crâne, à une table d’Ô Bistrot, l’unique café-épicerie de Mas-Thibert.
Situé à quinze minutes au sud du centre-ville d’Arles, le village de près de 2 000 habitants est rattaché administrativement à la sous-préfecture des Bouches-du-Rhône, plus vaste commune en métropole. Dans toute la région, le lieu est connu pour être « le village des harkis ». Ancien soldat d’origine algérienne ayant combattu dans l’armée française de 1956 à 1962, Abdelkader Aliaoui explique, pouce vers le haut : « Toute la vie ça a été la démerde, mais Mas-Thibert, c’est comme ça. »