Soixante ans après les accords d’Evian du 18 mars 1962 et la fin de la guerre d’Algérie, Ouest-France publie un hors-série exceptionnel, France et Algérie : comprendre l’histoire, apaiser les mémoires. L’occasion de revenir sur l’histoire commune des deux pays. Dans cet article, nous revenons sur l’exode des harkis et des pieds noirs après l’indépendance de l’État algérien.
Début 1962, personne ne pense que l’indépendance de l’Algérie puisse signifier l’exode quasi total et définitif d’une communauté d’un million de personnes, souvent enracinée dans le pays depuis plusieurs générations.Le slogan nationaliste algérien « la valise ou le cercueil » semble dater de l’immédiat après la Seconde Guerre mondiale. Il figure, fin 1946, tel un faire-part entouré d’un liséré noir sur la couverture d’un ouvrage du journaliste Paul Reboux s’interrogeant sur la pérennité de la présence française en Afrique du Nord.
À l’époque, la communauté française d’Algérie considère cette éventualité comme inimaginable. Elle n’envisage pas de renoncer à une terre où, depuis plusieurs générations, se sont développés une culture et des modes de vie constitués d’apports essentiellement méditerranéens, Espagnols, Italiens, Maltais, Mahonnais ayant façonné une langue, une cuisine, des pratiques religieuses et des us et coutumes dont personne n’imagine la disparition. Pas plus que ne veulent envisager leur départ, les descendants de Français de Métropole installés en Algérie après avoir fui la misère des villes ou de certaines zones rurales, essentiellement au sud de la Loire ou en Alsace-Lorraine. Dans ce dernier cas, au contraire de ce que l’on croit parfois, plus souvent avant 1870 que pour échapper à la domination allemande après la défaite.