Fatima Besnaci-Lancou est une historienne spécialiste de la guerre d’Algérie, connue pour son travail sur la mémoire des harkis en France. Autrice notamment de Fille de harki (2003) son dernier ouvrage : Prisons et camps d’internement en Algérie entre 1955 et 1962, traite des détenus algériens en se basant sur les archives de la Croix-Rouge internationale et sur des interviews qu’elle a menées elle-même. Il y est question de différents types de camps de détentions pour les algériens indépendantistes. Le festival «Maghreb si loin… si proche», qui se déroule dans les Pyrénées jusqu’au 29 janvier, l’a invitée à débattre du sujet. Au micro de RFI, elle est surtout questionnée sur les camps de regroupement des civils.
RFI : Dans votre ouvrage, vous racontez qu’entre 1955 et 1962, l’armée française avait déplacé des dizaines de milliers de paysans algériens, dans 2 000 camps, souvent dans la précipitation et l’improvisation. C’était dans quel but ?
Fatima Besnaci-Lancou : C’était principalement pour les contrôler puisque, dès le début de la guerre, la population paysanne était un enjeu pour les deux parties. Et les militaires français, pour les couper de l’influence des indépendantistes, les ont déplacés. Parce qu’il y a une idée reçue : les gens ont l’impression que dans les camps de regroupement, on avait mis plutôt des familles indépendantistes, en fait non : on a mis des paysans, et parmi ces paysans il y avait effectivement des familles d’indépendantistes, il y avait des familles de harkis, il y avait des familles neutres aussi parce qu’on ne parle pas de toutes les familles neutres qui ne se sont engagées ni d’un côté ni de l’autre.