La mémoire et l’oubli

par Akram Belkaïd

Le 24 mars 2022, au petit matin, cinq personnes d’une même famille française se jettent en silence d’un balcon au septième étage d’un immeuble à Montreux, en Suisse. Quatre meurent sur le coup, une cinquième en réchappe. C’est ce « suicide collectif » sans intervention d’un tiers, comme l’établira ensuite l’enquête, que la journaliste Ariane Chemin explore dans un récit puissant, souvent surprenant, truffé de « coïncidences exagérées » et dont le mur de soutènement est une mémoire traumatique algérienne (1). Parmi les victimes, on trouve, en effet, Narjisse et Nasrine, des sœurs jumelles de 41 ans, petites-filles de l’écrivain Mouloud Feraoun, assassiné par l’Organisation armée secrète (OAS), le 15 mars 1962, soit pratiquement soixante ans jour pour jour avant les suicides de Montreux. Quel rapport entre ces tragédies ? En enquêtant sur la vie de ces deux femmes, Chemin découvre des lignes de faille, des besoins de fuite, des isolements volontaires. D’où venait leur peur ? Ou, plus exactement, cette paranoïa ? Elle enquête et s’intéresse à la vie de Feraoun, écrivain kabyle talentueux d’origine modeste.

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