La France a effectué en Algérie 57 expérimentations et essais nucléaires entre 1960 et 1966. Soit quatre années après les accords d’Evian qui mettent fin à la guerre d’Algérie.
Le 13 février 1960 débute près de Reggane, dans le désert algérien, une série d’essais nucléaires réalisés dans le plus grand secret par la France. A cette date, l’Algérie est encore un département français. Suivront 56 expérimentations et essais nucléaires jusqu’en 1966 dans le Sahara qui feront de la France la 4e puissance nucléaire mondiale. Les accords d’Evian qui mettent fin à la guerre d’Algérie, en mars 1962, contenaient des clauses secrètes autorisant une présence française dans le désert algérien jusqu’en 1967.
Le 13 février 1960, la bombe au plutonium d’une puissance de 70 kilotonnes, trois à quatre fois celle d’Hiroshima, est placée au sommet d’une tour de 100 mètres. Quand l’explosion est déclenchée, à 7h04, un gigantesque éclair illumine le ciel et au sol, le sable se vitrifie sous l’effet de la chaleur dans un rayon de 300 mètres.
« Hourrah pour la France« , s’enthousiasme depuis Paris le Général de Gaulle dans un télégramme adressé à son ministre présent sur place. « Depuis ce matin elle est plus forte et plus fière. Du fond du cœur, merci à vous et à ceux qui ont, pour elle, remporté ce magnifique succès. »
Depuis des mois, on sait que l’explosion de la première bombe atomique française aura lieu en février ou mars, dans un désert de la région de Reggane, à 1 200 km à vol d’oiseau d’Alger.
Mais ce sont les météorologues qui décident au dernier moment de la date exacte de l’opération baptisée du nom d’un petit rongeur des sables (gerboise bleue). Ce 13 février 1960 au matin, « les conditions sont idéales », les vents doivent limiter la propagation des poussières et laisser retomber les plus lourdes. En altitude, des courants forts soufflant d’Est en Ouest entraîneront le nuage de l’explosion et disperseront les poussières les plus légères dans toute l’atmosphère supérieure.
Le Sahara, zone d’expériementation de la bombe A
Une cité souterraine où travaillent 6 000 à 7 000 personnes a été construite dans les contreforts d’une vallée à côté de Reggane. Cette cité se trouve à 40 km environ du polygone d’expériences de Hamoudia, où est installé le PC atomique d’où la mise à feu sera télécommandée, à 15 km environ de la bombe de type A.
Quiconque s’approche davantage risque la mort car la température s’élève à plusieurs millions de degrés au moment de l’explosion nucléaire. Les personnels portent des lunettes spéciales pour ne pas être aveuglés et doivent tourner le dos à l’explosion, les bras repliés devant le visage, au moment du déclenchement. Ce qui ne suffira pas à les protéger totalement de la radioactivité.
Tous les éléments de la bombe se gazéifient et la pression énorme de ce gaz crée une onde de choc qui produit une destruction mécanique. A cet effet s’ajoutent l’onde lumineuse qui brûle et un rayonnement radioactif.
Sur place, un commentateur dont le reportage sera diffusé plus tard à la radio décrit la lente montée du champignon dont le sommet est blanchâtre et le bas mauve. Il s’élève en même temps qu’il se développe, son sommet s’élargissant sans cesse.
Les compagnies aériennes savent depuis le 8 janvier 1960 qu’une superficie d’environ trois fois la France sera interdite au survol le jour de l’explosion.
La Polynésie prendra le relais de l’Algérie
Les autorités françaises affirmeront trois jours après l’explosion que la radioactivité au sol est partout « très inférieure aux normes de sécurité admises ». Des documents déclassifiés en 2013 révèleront toutefois des retombées radioactives beaucoup plus importantes que celles admises à l’époque, s’étendant à toute l’Afrique de l’Ouest et au sud de l’Europe.
Il faudra attendre les années 2000 et le long combat de vétérans des essais ayant développé des cancers pour en savoir plus sur les conséquences.
Juste après la déflagration, une armada de techniciens en combinaison antiradiations n’auront eu que 15 à 20 minutes, avant les retombées radioactives, pour récupérer sur les lieux de l’explosion les appareils de mesure enfouis dans le sable. Le reste du matériel sera laissé sur place, enfouis dans le sable saharien, ou il présente aujourd’hui encore un danger radioactif.
Le plutonium utilisé pour la bombe vient de l’usine de Marcoule, dans la vallée du Rhône, la seule matière fissile produite à l’époque en France.
Six ans après « Gerboise bleue », la France fera exploser sa première bombe H (thermonucléaire) en Polynésie (Mururoa) beaucoup plus puissante que la bombe à fission testée en Algérie. Elle procèdera à plus de 200 essais nucléaires avant que Jacques Chirac n’annonce leur arrêt définitif, le 29 janvier 1996.