Victime d’un attentat, lorsqu’elle était enfant à Alger, Danielle Michel-Chich a puisé dans son expérience de survivante pour créer un personnage d’usurpatrice, fausse victime du terrorisme.
Sourire charmeur, regard chaud et direct. Dans ce bistrot de Binic (Côtes-d’Armor) où elle vit quand elle n’est pas à Paris, Danielle Michel-Chich, 69 ans, raconte l’événement qui a changé sa vie.
Danielle Michel-Chich a 5 ans en septembre 1956. Elle mange une glace avec sa grand-mère au Milk-Bar d’Alger, quand une bombe lui arrache une jambe et tue sa grand-mère, en pleine guerre d’Algérie. L’écrivaine, volubile et démonstrative, porte à jamais dans son corps les marques d’un épisode de l’Histoire de France, mais ne montre rien de ses souffrances.
Le malheur aurait pu l’anéantir, comme il a sidéré ses parents jusqu’à leur mort. Elle, au contraire, garde foi en la vie, prend ses distances avec sa famille traumatisée et devient traductrice, journaliste et essayiste engagée. Elle ne replongera dans son passé de victime – elle préfère le terme de survivante – qu’en 2012 avec Lettre à Zohra D , livre adressé à celle qui avait posé la bombe.
Comme une survivante
Dans son nouveau roman, Danielle Michel-Chich tente de comprendre comment quelqu’un peut usurper le statut de victime, après un attentat. Un phénomène repéré après la Seconde Guerre mondiale – avec de faux déportés notamment – et réapparu après les attentats du World Trade Center, à New York en septembre 2001, puis celui du Bataclan, à Paris, en novembre 2015.
Marie, l’héroïne de Je est une autre, jeune fille solitaire, a été gravement blessée, enfant, dans un accident de voiture. Fascinée par les images du 11-Septembre, elle bascule le jour où un attentat est commis dans la ville où elle étudie. Sa vieille blessure ne suscitant pas la curiosité, elle fait croire qu’elle se trouvait sur la banquette d’une brasserie, au cœur de l’horreur. Et ça marche. « Pour la première fois de sa vie, elle avait l’impression d’être quelqu’un», explique l’écrivaine.
Comme ces faux rescapés, dont une quinzaine a été démasquée après le Bataclan, elle se met à côtoyer des victimes, se présentant comme une survivante. Elle prend des responsabilités à leurs côtés, passe des jours et des nuits à soutenir « ses camarades d’infortune » et prend une place de premier plan dans leur association. « Elle développe même des qualités de générosité qu’elle n’avait pas avant », estime l’auteure.