Le 19 mars 1962 le gouvernement français et la direction du Front de libération national algérien signaient les accords d’Evian, qui mettaient fin à huit années de guerre et ouvraient la voie à l’indépendance de l’Algérie, effective le 5 juillet suivant.
Ce soixantième anniversaire survient à moins d’un mois du premier tour de l’élection présidentielle et la campagne, qui a démarré en trombe sur les sujets comme l’immigration, l’Islam et l’identité de la France, portée par Eric Zemmour mais aussi par d’autres à droite, n’est pas sans rappeler les thématiques de l’extrême droite française colonialiste de l’époque.
Selon l’historien spécialiste de l’Algérie Benjamin Stora, auteur du rapport « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie » remis à Emmanuel Macron en janvier 2021, la colonisation et la guerre d’Algérie ont profondément fracturé la société et le paysage politique français. Ce sont ces failles, masquées pendant plus de trente ans, qui ressurgissent aujourd’hui.
La guerre d’Algérie avait déchiré les Français. Or, le débat politique actuel, où les partis et candidats des droites font principalement campagne sur les thèmes de l’immigration, la religion musulmane et l’identité nationale. Faut-il y voir une résurgence des « mémoires dangereuses » comme vous l’indiquiez dans votre livre, paru sous ce titre en 1997 et repris en 2015, après les attentats islamistes ?
Benjamin Stora : Ce retour de ce que j’ai appelé les mémoires dangereuses a commencé au début des années 2000, soit une vingtaine d’années maintenant, et elles ont cheminé sous des formes diverses. Mais pourquoi sont-ils si violents ? Parce qu’il y a eu un déni : de 1960 à 2000, la France a connu un grand silence sur la colonisation et la guerre d’Algérie.