C’était il y a 60 ans mais la guerre d’Algérie reste un sujet sensible et le travail mémoriel complexe. Au collège Albert Cron du Kremlin-Bicêtre, c’est par un échange avec un vétéran que la question a été abordée avec les élèves de troisième, pour croiser les mémoires de façon apaisée. Reportage.
Lorsqu’il est appelé sous les drapeaux le 15 septembre 1959, Georges Bernède a 25 ans. Soixante-trois ans plus tard, le voilà devant la centaine d’élèves de troisième du collège. Les années ont passé mais les souvenirs sont vifs : “J’ai été incorporé un mercredi. J’avais le Canard Enchaîné sous le bras, et j’ai repéré quelqu’un qui l’avait aussi. Je me suis dit que je n’aurais pas trop de mal à devenir ami avec lui”, raconte naturellement cet ex-fonctionnaire.
Assis derrière une chaise et éclairé par un spot lumineux, le vétéran se souvient. “Nous sommes partis du camp de Sainte-Marthe, nous avons voyagé à fond de cale. La traversée était assez pénible. Le lendemain, nous avons aperçu Oran. Quand on arrive là-bas, on voit une ville européenne, qui ressemble à Marseille par exemple : il n’y a pas vraiment de dépaysement. Ce n’est qu’après avoir débarqué que nous avons découvert les habitants.” Georges Bernède parle comme à l’époque, employant le mot d’“événements” plutôt que de guerre, de “musulmans” plutôt que d’Algériens.