ENTRETIEN. Rapatrié d’Algérie, l’historien Benjamin Stora se souvient de son enfance

Spécialiste de la guerre d’Algérie, Benjamin Stora vient de publier « L’arrivée », aux éditions Tallandier. Soixante ans après, le récit du choc de sa découverte de la métropole en juin 1962.

 

En une dizaine d’années, le jeune Benjamin Stora passe de l’enfance à l’âge adulte, de Constantine en guerre au Paris de Mai-68. Il raconte sa propre histoire dans son nouveau livre L’arrivée. De Constantine à Paris (1962-1972). Entretien.

Quel souvenir conservez-vous du 12 juin 1962, jour de votre départ pour Paris depuis Constantine, la ville d’Algérie où vous viviez alors ?

Je revois la tristesse de mes parents à l’aéroport. Je vais sur mes 12 ans, ma sœur est un peu plus âgée. Chacun porte deux valises et nous sommes tous chaudement habillés malgré le soleil éclatant. Depuis plus d’un an, j’entendais mes parents chuchoter entre eux, pleins d’angoisses : partir ? rester ? Ce jour-là, nous partions pour Paris. On partait vers une métropole dont j’avais beaucoup entendu parler, qui était idéalisée. Moi, ça me plaisait plutôt. Pas un instant je n’imaginais que nous ne reviendrions jamais.

Dans les mois précédents, vous ne sortiez plus de chez vous ?

Depuis l’automne 1961, je vivais confiné à la maison. Il y avait de la violence partout. On entendait les détonations sans savoir de qui elles venaient. Les cours étaient suspendus. Il y avait des militaires et des contrôles partout. Pour moi, ce départ, c’était aller vers un pays en paix, sans guerre.

Et vos parents ?

Chez les adultes, c’était l’angoisse et le silence. Dans l’avion du départ, personne n’osait parler. La violence de la situation écrasait les conversations.

 

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