EVÉNÉMENT 50e ANNIVERSAIRE DU CESSEZ-LE-FEU EN ALGÉRIE
GUERRE D’ALGÉRIE : IMAGES ET REPRÉSENTATIONS
DU 24 JANVIER AU 2 FÉVRIER 2012 AU FORUM DES IMAGES
Du 24 janvier au 2 février, au Forum des Images des Halles, Laurence Herszberg, directrice générale ,monsieur Jean-Yves de Lépinay, directeur des programmes et leurs équipes ont présenté « La Guerre d’Algérie, Images et Représentations ».
Ce fut une semaine intense tant par la projection de nombreux films de réalisateurs talentueux et de documentaires méconnus que par le contenu des débats et des conférences animés par les réalisateurs eux-mêmes et des historiens ou témoins du conflit. Les journées furent émaillées de séquences « Carte blanche à…. » permettant à l’ECPAD-Ivry et à l’INA de projeter leurs fonds d’archives.
Carte blanche à l’EPHMGA
Une soirée exceptionnelle « Carte blanche à l’EPHMGA » réunissait le 19 janvier – en avant-première – les anciens combattants. Nous avons pu mesurer l’intérêt manifesté pour ce programme consacré à l’Histoire par l’affluence et la diversité du public : une assistance réunissant les générations, hommes et femmes, région parisienne et province, étrangers venus spécialement. Une présence remarquée : celle d’étudiants français et étrangers, venus enrichir leurs recherches pour leur thèse et très demandeurs de contacts ultérieurs.
La semaine aura été précédée d’une démarche originale : construite et animée par Geneviève Gambini du Forum des Images et par Daniel Videlier (photo ci-dessous) de l’EPHMGA – et membre de la FNACA – une initiation aux techniques du cinéma appliquée aux actualités liées à la guerre d’Algérie a été dispensée à quatre classes de 3eme et de 1ere, conjugaison de l’histoire et de l’enseignement par la mémoire audiovisuelle.
Serge Drouot, conseiller de l’EPHMGA et Emmanuel Laurentin, journaliste de France Culture
En clôture du festival, un colloque sur la mémoire de la guerre d’Algérie fut organisé devant une foule venue nombreuse. Y participa notamment M. Serge Drouot (voir photo ci-dessus), conseiller de l’EPHMGA.
Jean-Pierre LOUVEL, Secrétaire général de l’Espace Parisien Histoire Mémoire Guerre d’Algérie
EN EXCLUSIVITÉ
Une interview de Jean-Yves de Lépinay, directeur des programmes du Forum des images (enregistrée avant le Festival)
Sur quels critères avez vous fondé vos choix concernant les films et documentaires ?
Nous avons cherché à rassembler des films significatifs d’une diversité d’origines et de points de vue les plus divers : de René Vautier à Jacques Dupont, films de fiction et archives, et des deux côtés de la Méditerranée. Nous n’avons pas retenu les nombreux documentaires historiques, parfois passionnants, sur cette période, mais privilégié les films, documentaires ou fictions, qui portaient des paroles fortes. Plus que des films qui racontent l’Histoire, des films qui participent à celles-ci, et sont des sources pour l’écrire.
Avez vous découvert des films ou des images dont vous ignoriez l’existence ? Si oui, lesquels ?
Il y a dans le programme des images peu ou pas vues en France : par exemple, celles que commentera Abdelmadjid Merdaci le 25 février. Ou le film de Cécile Decugis » La Distribution de pain », qui avait disparu depuis plusieurs décennies. D’autres films sont rares et difficiles à voir. Mais l’essentiel du programme est dans la façon dont nous proposons de voir les images que nous avons réunies : rassembler les sources et les paroles, pour travailler, comme votre association se le propose, à la construction d’une « mémoire partagée ».
En ce qui concerne les images, en quoi la guerre d’Algérie est-elle différente des autres guerres modernes ?
C’est une question qu’il vaudrait mieux poser aux historiens qui ont travaillé sur les représentations, plutôt qu’à un simple programmateur. Il y a certainement des ressemblances et des dissemblances. On peut noter que dans cette guerre les ruptures intimes, les arrachements personnels, s’ajoutent à l’extrême violence des combats . Mais n’est-ce pas le fait de beaucoup de guerres « civiles » ?
Qu’avez vous prévu pour intéresser les jeunes à cette histoire d’il y a 50 ans ?
Nous faisons, comme toujours, le pari qu’un regard tout à la fois curieux et sérieux peut susciter l’intérêt à tout âge. Le programme n’est donc pas conçu « pour les jeunes », mais « accessible aux jeunes » comme aux autres. Toutefois, il sera accompagné de diverses actions en direction des jeunes et des scolaires.
La guerre d’Algérie suscite encore bien des passions. Comment organiserez-vous les débats qui feront suite aux projections ? Craignez-vous des réactions assez « vives » ?
Nous sommes tout à fait conscients que les passions sont vives aujourd’hui encore. Ces passions sont légitimes, tant la violence de la guerre a été forte, les blessures profondes. Ce que ne cessent de montrer les films, c’est qu’il n’y a jamais seulement un camp contre l’autre ; que les choses sont toujours infiniment plus complexes. Le cinéma, et en particulier le cinéma de fiction, peut proposer aux spectateurs réunis dans la salle un espace commun où peuvent s’exprimer les douleurs, se dire les rejets et les espoirs, se crier les révoltes et les haines. Les films peuvent donc choquer, heurter, blesser même ; mais ils restent ces objets qui ont été vus ensemble, et qui n’assignent pas à chaque spectateur une position connue d’avance. Ils sont des moyens d’une ouverture à la vision, à la pensée d’un autre – au déplacement de son propre regard. Les rencontres, les conférences ne seront jamais organisées et menées comme des confrontations, où se joueraient une « guerre des mémoires ». Ce seront des temps de prises de parole ouvertes, personnelles ; et souvent, en même temps, l’exposé de travaux de recherche menées sans parti-pris.
LES TEMPS FORTS DU FESTIVAL
Pour ouvrir le programme, un dialogue entre un historien français spécialiste de la Guerre d’Algérie, Benjamin Stora, et un historien algérien, Abdelmadjid Merdaci. Ils s’interrogent ensemble sur le rôle des images dans la transmission de la mémoire et la construction des discours historiques, de part et d’autre de la Méditerranée.
Pierre Vidal-Naquet s’enthousiasmait de cette génération d’historien(ne)s, qui n’avaient été ni acteurs, ni témoins de la guerre d’Algérie, et dont les travaux prolongeaient les siens. Autour de questions en rapport avec leurs domaines de recherche, Raphaëlle Branche, Sébastien Denis, Tramor Quemeneur, Gilles Manceron, Sylvie Thénault et Yann Scioldo Zürcher, analysent les images et les représentations de la guerre, de ses pratiques et ses protagonistes.
Rencontres avec des cinéastes
Cécile Decugis et René Vautier ont tourné pendant la guerre les rares images des réfugiés et des maquis algériens. Marceline Loridan est partie l’été 62 filmer l’Algérie année zéro de l’indépendance. Plus tard, Okacha Touita, Dominique Cabrera, Yves Boisset, Jean-Pierre Lledo, Oriane Brun Moschetti et Leila Morouche ont puisé dans leur propre histoire ou celle des générations qui les ont précédés pour revenir, par la fiction ou le documentaire, sur les lieux et les traces de ce passé sensible. Autant de parcours personnels, de points de vue et de choix de cinéma à découvrir et discuter à l’occasion des projections.
Transmission de la mémoire, écriture de l’Histoire
Pour conclure le programme, une table ronde engagera une réflexion, en ce moment particulier où nous passons progressivement du temps du témoignage, du récit, de la mémoire, au temps de l’écriture de l’histoire. Avec Seloua Luste Boulbina, professeur de philosophie à Sciences Po et au Collège international de philosophie ; Yasmina Khadra, écrivain ; Malek Bensmaïl, cinéaste ; et Serge Drouot, ancien combattant et conseiller de l’EPHMGA.
Cartes blanches à l’INA et l’ECPAD
Entre le reportage inaugural de Cinq colonnes à la une sur le Sergent Charlie Robert et le Képi bleu en mission de pacification filmé par le service cinématographique des armées, les archives de la télévision française et celles de la Défense sont révélatrices de l’image officielle diffusée à l’époque des événements d’Algérie. Carte blanche est offerte aux responsables de ces collections, pour en présenter une sélection sur grand écran.
Une collection temporaire en consultation
A l’occasion de la programmation, une sélection complémentaire de films issus de l’ECPAD intègre la salle des collections du forum des images. A découvrir sur petit écran jusqu’à la fin de l’année 2012. Visite découverte en avant-première le 22/01 à 15h.
Les Films de soldats
Pendant la guerre, des appelés du contingent ont filmé en amateur leur séjour en Algérie : les paysages exotiques et les populations indigènes, les camarades et la vie quotidienne, saisis sur le vif et parfois mis en scène. Jean-Pierre Bertin-Maghit a entrepris la collecte et l’étude de ces films, matériau précieux pour l’historien, qui apporte un éclairage intime sur la guerre d’Algérie.
Journée d’études « Guerre d’Algérie et médias »
Destinée principalement aux historiens (étudiants et professeurs), une journée d’études sur la guerre d’Algérie et les médias propose d’aborder les outils et les méthodes liés à ce champ peu étudié. Au programme de la journée, une table ronde réunissant des chercheurs, invités à faire part de leur expérience, et les communications d’institutions d’archives publiques et privées sur l’état de leurs fonds, leurs potentialités et impossibilités. Jeudi 2 février, de 9h à 18h.
Exposition de photographies
La collection « Algérie » de l’ECPAD représente environ 120 000 clichés, qui évoquent la vie des troupes et des civils, les opérations militaires et les événements politiques. Marie Chominot, historienne, qui a exploré ce fonds pour sa thèse « Guerre des images, guerre sans image ? Pratiques et usages de la photographie pendant la guerre d’indépendance algérienne » commentera les clichés exposés au Forum des images.