Ouvrier chez Hispano-Suiza dans une usine de Bois-Colombes, Jean Clavel reçoit son ordre de mobilisation en 1957. Il est affecté dans une base de l’OTAN, à Luxueil les bains, en Haute Saône. Agé de 20 ans, militant communiste, il s’inspire de plusieurs autres « soldats du refus » et écrit une lettre au Président de la République pour lui dire que le combat du peuple algérien lui paraît juste et lui signifier son refus d’aller combattre en Algérie.
Placé en cellule régimentaire pendant quatre mois – officiellement pour « tentative de démoralisation de l’armée » – on le pousse à renoncer à sa démarche, en vain. Transféré à la prison militaire de Montluc à Lyon, inculpé pour refus d’obéissance, il conteste l’instruction, ce qui lui vaut d’être traduit devant un tribunal militaire en mars 58 qui le condamne à 8 mois de prison. Cité à comparaître sans instruction préalable, il est condamné à trois mois de prison. Il les passe à Montluc, à l’isolement.
Puis, on le libère et sa feuille de route l’emmène à Aix en Provence. Un mois plus tard, nouvelle affection et départ pour Metz. Il se demande alors si l’armée ne le pousserait pas à déserter. Son arrivé à Metz avec quelques jours de retard lui vaut de retourner un mois au cachot. A sa sortie, on l’envoie finalement en « section spéciale », au pénitencier militaire d’Albertville. Soumis là au régime le plus dur qu’il ait conn sans que quiconque lui ait encore signifié son motif d’enfermement, il restera sept mois au cachot, à l’isolement, sans lire ni voir qui se soit. Souvent, le matin, l’eau est gelée. Il n’a pas de lit. Il maigrit.
Au bout de quelques mois il s’aperçoit que l’armée n’expédie pas le courrier qu’il adresse à ses parents. A l’extérieur, les protestations se multiplient et sous cette pression, l’armée finit par le placer dans une cellule un peu plus grande. Dotée d’un poêle et d’un lit. Un jour, le capitaine du pénitencier lui annonce sa mutation vers la section spéciale de Timfouchi, dans le « département des oasis ».
Au fond du désert sud-saharien, il découvre un camp proche des « Bat d’Af » où le capitaine – « un fou » – a récemment fusillé lui-même deux soldats évadés puis repris. « Le matin, quand on se levait, on était pas sûr de se coucher le soir… » Un courrier envoyé en métropole dénonçant les conditions de vie dans la section spéciale et publié dans un numéro spécial du Secours Populaire finit par alerter les autorités militaires. Une commission d’enquête sera nommée. Blessé, victime d’un début de gangrène, Jean Clavel est évacué vers Tindouf où il restera trois mois à l’infirmerie.
De retour à Timfouchi, il sera finalement libéré de ses obligations militaires, l’armée ayant comptabilisé ses deux ans passés à l’isolement dans diverses prisons, pénitenciers et sections spéciales comme comme temps de service militaire.
Témoignage enregistré par D. Beau le 18 décembre 2010
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