EVÉNÉMENT 50e ANNIVERSAIRE DU CESSEZ-LE-FEU EN ALGÉRIE
GUERRE D’ALGÉRIE : FORUM DES ÉCRIVAINS
DU 26 AU 28 OCTOBRE 2012 À LA MAIRIE DU Ve ARRDT
TOUT LIRE SUR LA GUERRE D’ALGÉRIE
Intervenants
Fatima Besnaci, Pierre Daum, Jean-Jacques Jordi et Daniel Saint-Hamont
Débat animé par Emmanuel Laurentin
Jean-Pierre Farkas : Pour nous qui avons fait la guerre, ou pour ceux qui vous l’ont racontée, la rencontre avec un historien est quelque chose de décisif. Ça nous donne, dans nos associations, la conviction qu’il faut continuer dans cette direction-là. On ne changera pas la vérité, les symboles, mais à chaque fois que l’on mettra des historiens près de nous, on arrivera au moins à une analyse. C’est la leçon de ce forum. Nous aborderons dans cette dernière table ronde deux sujets passionnels : les rapatriés et les harkis. Le débat sera animé par Emmanuel Laurentin, qui présente l’émission La Fabrique de l’histoire, sur France Culture.
Emmanuel Laurentin : Aucun des sujets abordés au cours de ce forum n’est un sujet simple, mais celui que nous allons aborder maintenant est sûrement l’un des plus complexes, et sujet à des malentendus. Pour beaucoup de Français, la guerre est finie et on ne veut plus en parler, pour de nombreux autres, de retour en métropole, on ne veut pas en parler pour ne pas voir ressurgir de terribles souvenirs, et pour bien d’autres encore, ceux que l’on a appelés les Pieds-noirs et les harkis, cette guerre continue d’une autre façon, souvent, dans la mémoire. On va en discuter avec nos quatre invités, grands spécialistes de la question. Jean-Jacques Jordi, pour commencer, j’ai dit que c’était l’un des sujets les plus délicats de la Guerre d’Algérie, mais ce n’est pas de la guerre dont on parle, ce sont les suites de la guerre. Oui, elle est théoriquement terminée, mais elle continue dans les têtes, elle continue dans la présentation, dans la façon dont on envisage le monde et c’est une autre façon de parler de cette guerre que de parler de ce qui se passe après 1962.
Jean-Jacques Jordi : En mai 1962, cette fin de guerre n’est pas une fin de guerre pour tout le monde. Il y a d’abord des appelés qui continuent d’être pris à parti par le FLN mais aussi des Européens qui sont victimes d’exactions et bien évidemment les Harkis qui vont être massacrés. C’est une fin de guerre dans la précipitation et qui va donner naissance en France à des enfants, je dirais, légitimes, les Pieds-Noirs, enfants du couple France-Algérie, qui vont être rejetés par l’Algérie ou pas très bien accueillis par la mère-patrie, en tout cas en 1962, tous ceux qui sont passés par Marseille le disent clairement.
Emmanuel Laurentin : Vous avez enregistré beaucoup de témoignages ?
Jean-Jacques Jordi : J’en suis à 1 200 témoignages. Le choix du terme est pluriel : on a le mot exilé parfois, rapatrié. En tous les cas, nous avons un mot officiel de décembre 1961: les rapatriés, qui sont ces Pieds-Noirs. Il est délicat d’en parler, de même que des appelés, qui n’ont pas tous vécu la même Guerre d’Algérie. Si on est appelé entre 1954 et 1957, ou entre 1960 et 1962, on ne voit pas les choses de la même manière. Et puis il faut ajouter un quatrième enfant, avec les harkis, les pieds-noirs, les appelés, c’est l’immigré algérien, parce que les Accords d’Evian font que des dizaines de milliers d’entre eux viennent travailler en France. Ces quatre groupes vont vivre difficilement les dix premières années de leur installation ou de leur retour en France.
Emmanuel Laurentin : Daniel Saint-Hamont, vous vous êtes intéressé particulièrement dans vos écrits à l’un de ces quatre groupes, les Pieds-Noirs. Pour vous, que se passe-t-il en 1962 ? Comment est racontée cette histoire ? À l’intérieur des familles qui l’ont vécue ? Comment se porte cette mémoire, la perpétuation de la mémoire de la guerre par d’autres moyens, d’une certaine façon ?
Daniel Saint-Hamont : Lorsque l’on imagine aujourd’hui un million de personnes qui quittent leur terre natale en l’espace de, disons, six mois, maximum, on aurait fait venir tous les médias, le monde entier parlerait de cette affaire-là. Un million de personnes sur une population qui en compte à l’époque quarante millions, vous avez quelques articles dans certains journaux, quelques photos et puis ensuite tout est recouvert, immédiatement. Je m’y suis toujours intéressé – j’avais dix-sept ans à l’époque, je n’ai pas vécu directement de traumatisme, c’est une force –, je l’ai vécu du côté de la métropole. J’ai vu revenir ces gens, en particulier des personnes de ma famille, et j’ai vu des gens qui étaient réellement détruits, mais qui ne le montraient pas obligatoirement. Vous les croisiez dans la rue, ils ne vous disaient rien. Mais quand on imagine ce que c’est, à l’âge de quarante, cinquante, voire soixante ans, de quitter sa terre et sa maison, de quitter tout ce que l’on a bâti pendant toute une vie, et de se retrouver dans un pays qui est une terre totalement étrangère. La France, pour la plupart, ceux qui se sont battus glorieusement pour la France, on oublie toujours de le dire, c’était une destination de vacances pour les plus fortunés. On allait dans les Pyrénées, les villes d’eaux… Sinon on restait à Alger, à Oran. Ça n’était pas une vie de gens riches. Ces gens se sont retrouvés littéralement cassés. J’ai toujours été très surpris, comme ancien journaliste, qu’il n’y ait jamais eu la moindre étude publiée sur précisément le nombre de dépressions qu’il y a eu, le nombre de suicides qu’il y a eu dans cette communauté.
Emmanuel Laurentin : Mais comment expliquez-vous justement ce silence ?
Daniel Saint-Hamont : Il y avait une politique à l’époque qui entrait terriblement en désaccord avec les objectifs du général de Gaulle. Il ne voulait pas être embarrassé, après avoir signé les Accords d’Évian. Il voulait désormais ignorer. Cela se comprend très bien à un niveau diplomatique ; en même temps, cela a créé une blessure psychologique qui dure aujourd’hui, qui perdure toujours. Vous pouvez rencontrer des gens qui ont quatre-vingts ans, qui ressentent cette blessure comme si elle leur était arrivée hier. Ils peuvent vous raconter leur départ en avion, raconter leur arrivée en bateau, accueillis comme des chiens, par la population métropolitaine, la population marseillaise en particulier.
Emmanuel Laurentin : Certains des historiens qui travaillent sur ce sujet reconnaissent que ce traumatisme est réel, mais qu’il est aussi retravaillé par la mémoire, que les structures d’accueil n’ont pas toujours été défaillantes. Comment se sont construits cette mémoire, ce traumatisme ?
Daniel Saint-Hamont : La mémoire reste extrêmement vive. Elle n’est ni trahie, ni embellie, ni enlaidie. Il y a eu des structures, religieuses en particulier, la Croix-Rouge par exemple, mais pour l’essentiel, les gens ont été livrés à eux-mêmes, entassés à sept, huit, dix ou quinze, dans des appartements de cinquante mètres carrés et il fallait se démerder, pour parler vulgairement, il fallait faire face.
Emmanuel Laurentin : Jean-Jacques Jordi, qu’en pensez-vous ?
Jean-Jacques Jordi : Sur ce point, c’est très simple, il faut rapatrier cent mille personnes par an pendant quatre ans. Le gouvernement dit : « Sur ces cent mille, il y en a peut-être vingt mille qui vont nécessiter une aide », donc il prévoit des centres d’accueil pour vingt mille personnes. Or, en avril 1962, il y en a déjà plus de quatre-vingts, en mai, cent vingt, et en juin, trois cent cinquante-deux mille personnes. Donc, rapidement, tous les services d’accueil sont débordés. Ils sont engorgés, il faut parer au plus vite. Et quand on pare au plus vite, c’est un peu du n’importe quoi, on met les gens dans des trains, on leur dit : « Vous allez ici, vous allez là », ils ne savent même pas où ils vont. Les gens sont ballotés par ce vent de l’Histoire, qu’ils n’ont pas non plus compris, emportés par ce tourbillon, alors qu’ils étaient installés en Algérie. Cette arrivée, le leitmotiv du retour, restent dans les mémoires. Vous avez des organismes associatifs, privés ou religieux qui ont parfois apporté beaucoup plus d’aide et de secours que le gouvernement ou les institutions officielles. À Marseille, par exemple, cela a été assez catastrophique, mais les institutions religieuses et les associations caritatives ont offert une fois et demie de plus de nuitées, par exemple, et de nourriture, et de réconfort à cette population, que le gouvernement. Certaines personnes sont à dix, huit, quinze, vingt, dans des appartements, parfois jusqu’en 1964-1965. Il faut attendre novembre 1965-1966 pour que les problèmes de logements et d’emploi soient à peu près réglés. Pendant trois ans, certaines personnes vont errer, vivre le surpeuplement dans leurs appartements, avec le sentiment d’être responsables de tout ce qui s’est passé en Algérie, c’est le sentiment des Pieds-Noirs. Ça dédouane tout le monde.
Emmanuel Laurentin : Fatima Besnaci, il faut parler du cas particulier des harkis. Vous avez commencé à vous intéresser à la question par le biais de la mémoire. Comment fait-on d’une part pour traiter cette question et d’autre part pour décrire ce qui s’est passé réellement ?
Fatima Besnaci : Je voudrais réagir à ce qu’ont dit Messieurs Saint-Hamont et Jordi, notamment par rapport aux problèmes médicaux et psychiatriques. Les premiers mémoires de recherche sur les harkis, c’était ce genre de travaux, dans des dictionnaires psychiatriques. En ce qui concerne les logements, l’État français aurait dû réserver le même traitement aux harkis que celui réservé aux Pieds-Noirs – tant mieux pour ces derniers, bien sûr. Il y a eu un problème d’équité. Lorsque les Pieds-Noirs étaient mal accueillis, les harkis, on n’en voulait pas, ça c’est encore autre chose.
Emmanuel Laurentin : Qu’a-t-on comme « signaux » de ce refus d’accepter les harkis ? Comment cela se traduit-il dans la réalité ?
Fatima Besnaci : Il y a eu un « plan de rapatriement » pour cinq mille personnes alors que, dans les faits, il y en a eu dix mille qui ont été rapatriés officiellement. Les autres rapatriés, c’est la débrouille, le système D. Ils n’ont pas été accueillis dans des appartements. Une autre marque d’un manque d’équité, c’est qu’on a leur a retiré, comme à tous les Algériens, la nationalité française. Le 21 juillet 1962, brutalement, du jour au lendemain, ils n’étaient plus français. Vous allez me dire que les Algériens ne voulaient plus être français, ils se sont battus pour ça. Pour l’ensemble des Algériens, il est clair qu’avoir la nationalité algérienne était une conquête. Mais ces Algériens-là, qu’on avait compromis pendant cette guerre, ils se sont retrouvés piégés par l’Histoire.
Emmanuel Laurentin : S’ils n’étaient pas français, ils n’étaient pas algériens non plus…
Fatima Besnaci : Ils étaient algériens : automatiquement, ils acquéraient la nationalité algérienne, qu’ils l’aient voulue ou pas. C’est un piège de l’Histoire qui s’est refermé sur eux. En France, il n’y a donc pas eu les appartements, il y a eu les camps. Toutes sortes de travaux ont été réalisées sur la question.
Emmanuel Laurentin : Il y a eu des camps de différents types, notamment des camps de forestage.
Fatima Besnaci : Le forestage, c’était après. Au départ, il y a d’abord eu des camps qui étaient d’anciens camps militaires, des camps d’enfermement où l’on avait mis les Algériens pendant la Guerre, on les avait assignés à résidence, aussi dans le Larzac. C’est une blessure de cette guerre, pendant la guerre pour les Algériens et ensuite pour les harkis. Pour en revenir aux chiffres et aux dates évoquées par Monsieur Jordi, en novembre 1964, le ministre des rapatriés, François Missoffe, avait écrit à tous les préfets de France, une circulaire disant que les logements réquisitionnés et les logements qui se construisaient étaient en priorité pour les Pieds-Noirs, parce qu’à l’époque, les harkis n’étaient pas considérés comme des rapatriés. Disons que les harkis étaient déjà logés, sauf qu’ils étaient dans des camps, et les hameaux de forestage, c’étaient des camps qui étaient loin de la ville, au milieu d’une forêt, avec à la tête du camp, souvent un ancien militaire, donc ce n’était pas la vraie vie. Cela restait un lieu de relégation. J’ai vécu dans un camp avec mes parents, et c’est vrai que le terme « hameau de forestage » existe seulement dans les livres d’histoire, on ne l’utilisait pas, en arabe également, l’endroit était appelé le camp. On était tellement mis à l’écart que les gens ne nous voyaient pas. Je vais vous donner un exemple : le week-end, lorsque les voisins avaient quelque chose à jeter, ils venaient le jeter au pied du camp. On était près d’un dépotoir et de l’autre côté, il y avait des égouts. Les enfants pouvaient attraper des maladies de peau par exemple, en jouant à côté. On oublie souvent que les harkis, c’étaient aussi des sous-citoyens en Algérie, on peut croire qu’ils avaient quelque chose à perdre là-bas, en soutenant l’Algérie française ou en étant du côté des Français pendant la guerre. Mais, en plus de ne pas avoir été instruits à l’école, la situation des harkis en France ressemblait beaucoup à leur situation en Algérie. Ils n’ont pas tellement changé de vie, c’étaient des paysans extrêmement pauvres mis à l’écart ; en France, ils ont eu à peu près le même destin.
Emmanuel Laurentin : Pierre Daum, l’autre figure d’après la Guerre d’Algérie, c’est ceux qui restent en Algérie, ceux qui n’ont choisi ni la valise ni le cercueil, pour paraphraser le titre de votre ouvrage, pour construire la nouvelle Algérie, indépendante.
Pierre Daum : Une précision : je ne suis pas historien, je suis journaliste, mais j’ose espérer qu’en tant que journaliste, notre travail sur l’histoire est également considéré. Je suis né après 1962, comme la quasi majorité des gens dans cette salle (rires dans la salle). Contrairement aux intervenants précédents, je n’ai dans ma famille aucun lien avec l’Algérie. Je ne suis pas enfant de Pied-Noir, je ne suis pas enfant d’Algérien. Mon père a été appelé sous le drapeau en 1963, il est allé à Baden-Baden. Ces petites précisions posées, il y a à peine cinq ans, j’étais, il me semble, comme une très très très grande majorité de Français, persuadé que tous les Pieds-Noirs étaient partis en 1962, ils étaient un million, comme l’a dit Monsieur Saint-Hamont, et je le dis avec beaucoup d’affection, même si l’on pourrait croire que je vais dédire ses propos – j’ai d’ailleurs été très touché par le film qu’a tiré Alexandre Arcady de son roman, Le Coup de Sirocco, sorti en 1979, je l’ai vu une dizaine de fois, toujours avec énormément de plaisir. Ce film a marqué mon imaginaire mais il l’a marqué de façon erronée, puisque j’étais persuadé qu’un million de Pieds-Noirs était parti en 1962, qu’ils étaient même partis en une période assez réduite, quelques semaines, quelques mois, six mois, comme a dit Monsieur Saint-Hamont.
Emmanuel Laurentin : Quelle est la nature de votre travail ?
Pierre Daum : Lors de mon enquête, j’ai découvert quelque chose dont j’étais le premier surpris, qui est la base de mon livre, à savoir qu’en janvier 1963, il y avait encore deux cent mille Pieds-Noirs en Algérie. Quand je dis Pieds-Noirs, il s’agit à la fois d’Européens et de Juifs, avec une proportion de 15% de ces derniers, dans la même proportion qu’avant la fin de la colonisation. Deux cent mille Pieds-Noirs, ça veut dire, premièrement, que l’exode massif a eu lieu, loin de moi l’idée de le contester – j’ai fouillé, je suis tombé sur les excellents travaux de Monsieur Jordi, dans lesquels il donne les chiffres année par année et mois par mois, durant 1962, du départ des Pieds-Noirs d’Algérie, chiffre qui inclut aussi les retours. Il y a effectivement aussi eu des retours. Je suis tombé sur Cinq colonnes à la Une, en septembre 1962, l’équipe de journalistes avait été sur un bateau, La Ville-d’Alger, peut-être, sauf que ce bateau ne faisait pas Alger-Marseille mais Marseille-Oran, et il était rempli de Pieds-Noirs qui revenaient. Donc, en janvier 1963, c’est un moment en Algérie, confirmé par tous les témoignages, où le sentiment de sécurité était redevenu total pour ceux qui avaient une « tête de Français ». Finalement, la violence post-coloniale, du type des ressentiments, des douleurs accumulées par les Algériens pendant la guerre, pendant les cent trente-deux années d’influence française a pris une autre forme. Certains Algériens, après l’indépendance, ont voulu extirper leur haine, leurs blessures, dans le sang, leurs victimes n’ont pas été les Pieds-Noirs, représentant à leurs corps défendant l’ancien pouvoir colonial comme tous les observateurs de l’époque s’en inquiétaient, hormis l’épisode du 5 juillet 1962 à Oran, qui est un épisode extrêmement particulier, très important, mais leurs victimes ont été les harkis et leurs familles (je renvoie aux travaux de Fatima Besnaci et de Gilles Manceron), qui sont leurs « frères en colonisation ».
Jean-Jacques Jordi : Il ne faut pas confondre deux choses quand on fait de l’histoire : c’est le discours et la validité des faits. Quand j’entends dire qu’après le 5 juillet 1962, il n’y a pas eu d’exactions, au centre d’archives contemporaines il y a des listes qui sont données au Ministère, il y a des listes de personnes qui déposent plainte, les Pieds-Noirs – il y a à peu près douze mille plaintes qui n’ont pas abouti puisqu’elle n’ont même pas été instruites, après juillet. Il y a eu des exactions commises auprès d’Européens : vols de voiture, occupation d’appartements, etc. Je vous signale que pas un seul Pied-Noir n’a pu rentrer dans son appartement. Par rapport aux chiffres, quand je disais qu’il y avait bien plus d’un million, mais qu’il y en avait sept cent vingt mille qui s’étaient installés, il y a une deuxième source d’archives : chaque rapatrié, quand il met le pied en métropole, doit remplir un dossier. Quand on étudie ces dossiers, on voit que ceux qui repartent, c’est le père de famille qui repart, pas les familles. Pour régler des affaires, pour voir si ça se calme. J’en ai vu qui m’ont dit avoir essayé jusqu’en février 1964 de rester. Au consulat, le père de famille inscrit toute la famille au cas où, mais cela ne correspond pas à la vérité. « Ma femme, mes enfants sont là », on demande des aides, mais en fait la famille est installée en France, avec le père de famille resté en Algérie ; comme si la famille en entier était à la fois en deux endroits, en France et en Algérie, ce n’est pas possible. Deuxième point, un rapport des renseignements généraux, fin 1961, disait qu’environ soixante dix mille français d’Algérie, peu ou prou pour l’Indépendance, étaient encore en Algérie et que ceux-là allaient rester. C’est donc logique que ce nombre-là reste.
Emmanuel Laurentin : Donc c’est deux cent mille contre soixante-dix mille.
Jean-Jacques Jordi : En janvier 1963, il en reste un peu moins de cent mille, pas deux cent mille. En février 1963, au Conseil des ministres, de Gaulle dit que l’Algérie s’est rendu compte qu’elle ne pouvait pas faire sans les Pieds-Noirs, donc c’est bien qu’ils y retournent. Entretemps, en janvier 1963, il y a déjà plusieurs dizaines de milliers, vingt-cinq mille, trente mille, qui sont des Pieds-rouges et qui sont venus s’installer en Algérie. Les Pieds-rouges ce sont des métropolitains qui sont allés en Algérie pour aider à la révolution, pour faire de l’Algérie le phare de l’Afrique.
Emmanuel Laurentin : Daniel Saint-Hamont puis Fatima Besnaci, vous vouliez intervenir.
Daniel Saint-Hamont : On est obligés de partir de l’histoire personnelle. J’ai vu pas mal de gens qui revenaient en Algérie, après juillet-août 1962, ils venaient uniquement pour essayer de voir ce qu’allait devenir leur appartement, qu’ils avaient laissé derrière eux fermé à clef, qu’ils retrouvaient soit vacant soit bien souvent occupé par d’autres gens ou ils essayaient de relancer leur commerce. J’avais un oncle qui était marchand de chaussures et qui est retourné dans sa ville d’origine, à Mascara, c’est ce que j’ai d’ailleurs raconté dans Le Coup de Sirocco, il a essayé de revendre son petit magasin et il s’est vu offrir une somme dérisoire, mais c’était tout ce qu’il pouvait en tirer en de pareilles circonstances, il valait mieux ça que rien. Il a accepté et il est rentré définitivement. Je pense que ça fait partie de ces cinquante, soixante mille personnes qui ont fait le déplacement, pas plus, pour revenir aussitôt.
Fatima Besnaci : La transition va être un peu difficile. Après les Pieds-Noirs, parlons donc des harkis, et des violences qu’il y a eu ou pas après juillet 1962. On parle beaucoup de ceux qui ont été tués, et il y en a eu beaucoup, on parle de ceux qui sont restés en Algérie, protégés par les leurs, on parle de ceux qui sont partis, mais on oublie que beaucoup ont aussi été emprisonnés. On parle de trente à quarante mille personnes. Ils ont d’abord été arrêtés, mis dans des camps militaires, sous la responsabilité de Boumediene, et ensuite à la fin de l’année 1962, ils ont été déplacés, pour ceux qui ont survécu à la torture, dans des prisons. On les a déplacés au mois de novembre, parce que la Croix-Rouge internationale à Genève commençait à s’occuper de ces hommes, à envoyer des informations aux autorités française en disant « Attention, vous êtes responsable de ces hommes qui ont été emprisonnés, entre les mains de ces militaires, de ces familles qui ont été massacrées. Que faites-vous ? » Il y a eu une pression à la fois sur les autorités algériennes et françaises. Ben Bella, qui était président de la République, recevait régulièrement du courrier de Genève, disant « Attention, vous avez signé des accords, nous étions à vos côtés pendant les sept ans de guerre pour vous protéger, pour venir vous visiter dans les prisons, ne refaites pas ce que l’on vous a fait, etc. » À force d’insister, Pierre Mendès France –c’est grâce à lui que la Croix-Rouge est allée en Algérie en 1955 –, non, je me trompe, ce n’est pas un hasard, c’est Jean De Broglie, qui permet, en février 1963, au CICR, d’aller en Algérie. Le 21 février 1963, Ben Bella et le CICR ont signé un accord qui permettait aux délégués d’aller visiter ces harkis, qui étaient dans les camps et dans les prisons. Genève a mis une équipe d’une vingtaine de personnes, ils ont sillonné toute l’Algérie, et en trois mois, ils ont pu visiter deux mille cinq cent prisonniers – il y en avait bien sûr beaucoup plus, mais les autorités pénitentiaires les déplaçaient quand les délégués annonçaient leur venue. Ils n’ont pu en voir que deux mille cinq cent et ils ne sont jamais entrés dans les camps militaires. C’est pourtant là où ils auraient dû entrer, c’est là que l’on torturait, sauf que Boumediene ne voulait pas. Boumediene voulait amender les Accords d’Évian. On disait que des ordres avaient été donnés, il y a eu une espèce de différend entre Ben Bella et Boumediene.
Emmanuel Laurentin : Il s’agissait de deux attitudes…
Fatima Besnaci : Il s’agissait peut-être d’une alliance : l’un jouait le rôle du gentil et l’autre jouait le rôle du méchant. Pour en revenir aux prisonniers, certains d’entre eux se sont évadés, soit tout seuls, soit parfois avec des gardiens. Un harki m’a dit qu’il avait sauvé la famille d’un ancien combattant nationaliste et le hasard a fait qu’il était gardien dans la prison où il était, donc il l’a laissé partir. Il a rendu service à cet homme, qui lui a renvoyé l’ascenseur le jour venu. Sinon, sous la pression internationale, dès les premiers mois, on a commencé à en libérer par petits groupes, parce que Ben Bella voulait une légitimité internationale. On faisait du chantage, on disait qu’on allait livrer des informations à la presse. Le Monde a souvent titré « Le CICR ne peut pas entrer dans les camps », « Le CICR ne peut pas voir les prisonniers », etc., et les derniers prisonniers sortis des geôles algériennes, sont sortis en 1969. Pendant sept ans, des hommes ont été enfermés.
Emmanuel Laurentin : Avec quel destin ? Quand ils sortent, ils retournent chez eux ?
Fatima Besnaci : Il y a deux périodes ; c’est vrai qu’en histoire il faut séquencer, mais je vais aller vite. Jusqu’en 1964, lorsqu’ils s’évadaient ou qu’ils étaient libérés, ils allaient rejoindre l’armée française, qui était encore sur place, qui les aidait à partir, pour ceux qui voulaient partir. Les premières années, tous voulaient partir, parce que tous avaient peur. Après le départ de l’armée, quand ils étaient libérés, ils étaient livrés à eux-mêmes et donc il y a eu des appels au secours, finalement les autorités algériennes et françaises ont mis en place une procédure qui s’appelait la procédure de laissez-passer. Quand les hommes étaient libérés, ils allaient voir le consulat et on leur y donnait ce fameux laissez-passer. Pour revenir sur les camps dont on parlait tout à l’heure, ils avaient une telle mauvaise réputation que même les harkis qui risquaient leur vie en Algérie préféraient cette situation à la vie dans un camp. Cette mauvaise réputation a traversé la Méditerranée et certains ont dit : tant qu’à avoir une misère, tant qu’à être maltraité, autant rester chez nous.
Jean-Jacques Jordi : Quarante huit mille anciens harkis étaient dans les camps sur une population de quatre-vingt-dix mille.
Fatima Besnaci : En France, les harkis qui ont pu arriver avaient des amis dans des centres d’assignation, mais en Algérie, quand les harkis ont été arrêtés, ils ont aussi été mis dans des camps, qui étaient construits par des militaires, ce que l’on a appelé les CLI, entre autres. Il y a quelque chose qui a basculé.
Emmanuel Laurentin : Pierre Daum, puisqu’on avance dans les années 1960, et que vous avez travaillé l’après-guerre d’Algérie en Algérie, abordons de nouveau la question de ces personnes qui sont restées sur place. On n’a pas réussi à tirer au clair le nombre de personnes qui sont restées sur place. Toujours est-il qu’on se demande qui sont ces gens, que font-ils, font-ils alliance ou pas avec les Pieds-Rouges qui arrivent de métropole ou d’ailleurs pour pouvoir construire la nouvelle république socialiste algérienne ? Comment cela se passe-t-il ?
Pierre Daum : Malgré cette bataille de chiffres, rien ne sera réglé. Il existe ces Pieds-Noirs qui sont restés, c’est de ça dont il est important de parler. Benjamin Stora le dit lui-même, notamment dans la préface de mon livre, que c’est l’un des derniers sujets de la Guerre d’Algérie à être resté dans l’ombre et que c’est un sujet qui a une énorme importance pour la lecture de l’ensemble des autres sujets. Ceux qui sont restés – même si, au cours des années qui ont suivi, ce nombre de deux cent mille s’amenuise –, j’ai pu donner des estimations, dix ans plus tard, ils ne sont plus que cinquante mille. Le point important à mes yeux, c’est que le départ de ces Pieds-Noirs après 1962, ce n’est pas le fait de leur crainte du cercueil, c’est pour toute une série de raisons différentes, mais en aucun cas ils ne sont partis parce qu’ils risquaient leur peau.
Emmanuel Laurentin : C’est une conviction de votre part ou ce sont des faits avérés ?
Pierre Daum : Ce sont les conclusions de mon enquête ; tous les témoignages concordent à 100% à partir de 1963. Les départs ne sont pas le fait de la « peur du cercueil ». Une idée, qui va peut-être faire bondir le calme Monsieur Jordi, les exactions dont vous parlez, certaines jusqu’aux meurtres, de la fin de l’été, de l’automne, de l’hiver 1962, de plusieurs dizaines, de centaines de Pieds-Noirs, n’ont rien à voir avec un ressentiment post-colonial. Il faut replacer les choses dans leur contexte, avec un état sans pouvoir, avec cette crise de l’été 1962, qui laisse un vide total au pouvoir, il y a des masses d’Algériens affamés, et on entre dans une délinquance de la faim. Ces Pieds-Noirs qui sont restés avec leur famille – parce que ce ne sont pas seulement des hommes qui restent seuls, ce serait se faire une fausse idée que de croire cela –, il ne faut pas non plus croire que seuls sont resté les Pieds-Noirs en faveur de l’indépendance, ce serait une erreur grossière dont sont coutumiers les inspecteurs des Renseignements Généraux. Les rapports des mobilisations des travailleurs indochinois en France qui ont également été réalisés par eux sont remplis d’erreur, par exemple, donc ce chiffre de soixante-dix mille Pieds-Noirs qui serait favorable à l’indépendance, cela me paraît erroné.
Jean-Jacques Jordi : Le chiffre ne me semble pas aberrant. C’est 7% des Pieds-Noirs.
Pierre Daum : Il y en a eu beaucoup moins, ce sont ceux que l’on a appelés les libéraux, et il y en avait une poignée. Tous les Pieds-Noirs et leur familles que j’ai rencontrés qui n’ont pas fait comme tout le monde en 1962, j’ai retrouvé en eux une variété idéologique de l’ensemble du million de Pieds-Noirs, la plus grande partie était au mieux en faveur du maintien de la France en Algérie et au pire, elle était pour l’Algérie française.
Jean-Jacques Jordi : Il y a aussi une très grande variété de points de vue au sein de l’OAS. La même variété existe dans l’autre camp, c’est ce que je veux dire.
Pierre Daum : Ce que je veux dire, c’est qu’un très grand nombre de ceux qui sont restés en Algérie, un très grand nombre était pour l’Algérie française. Madame Germaine Ripol, qui vit encore près d’Oran, elle a quatre-vingt-cinq ans, elle tient un restaurant, elle était pour l’Algérie française, et l’une des plus grandes crapules que la terre ait portées, pour elle, c’est le général de Gaulle.
Emmanuel Laurentin : Un dernier point, Jean-Jacques Jordi, avant de donner la parole à la salle, parce que beaucoup de gens ont des questions à poser.
Jean-Jacques Jordi : Il faut manier les sources d’archives, il faut les confronter aux témoignages et je peux vous dire que les témoignages que l’on me raconte, que ce soit vingt ou cinquante ans après les faits, la même personne ne raconte pas la même chose parce qu’entretemps elle a cheminé, parce qu’entretemps elle a lu des livres et donc le témoignage est à chaque fois une reconstruction, une reconstitution. En tant qu’historien, je me méfie. Deuxièmement, quand on multiplie les sources, on a une pluralité de points de vue, c’est ça qui est très important. Quand je dis qu’il y a les Renseignements Généraux et qu’ils parlent de 7% de des Pieds-Noirs, ça fait cent trente mille personnes. En revanche, je ne peux pas laisser dire qu’après juillet 1962, il n’y a plus eu d’exactions commises envers les Européens, ce n’est pas possible.
Pierre Daum : Je n’ai pas dit qu’il n’y en avait pas, j’ai dit qu’il s’agissait d’exactions de la faim, et non pas politiques.
Jean-Jacques Jordi : Là où vous voyez de la justice, moi je vois de la vengeance, ce qui est tout de même un peu différent. Les 23, 24 et 25 juillet à Alger, on ne peut pas dire qu’il ne s’est rien passé. Dix-sept Européens sont assassinés et des femmes sont violées.
Emmanuel Laurentin : Passons maintenant aux questions du public.
Public : Je voudrais, dans la droite ligne de ce qu’a dit Monsieur Daum, lui demander de réagir à ce qui suit : « La grande majorité des Pieds-Noirs ne supportait pas la perspective de vivre à égalité avec les Algériens, peut-être que l’idée d’être commandés par des arabes faisait peur à ces Pieds-Noirs, ils vivaient de facto avec un sentiment de supériorité, ils se sentaient plus civilisés et puis surtout ils n’avaient aucun rapport normal avec les musulmans, ils étaient là autour d’eux, mais en tant que simple décor. Ce sentiment de supériorité était une évidence… Au fond, c’est ça, la colonisation. » Êtes-vous d’accord avec ces propos ? C’est un extrait du Monde diplomatique de mai 2008, d’après un article de Pierre Daum, Ni valise ni cercueil, les Pieds-Noirs restés en Algérie après l’indépendance. Vous nous disiez tout à l’heure que ce n’était pas parce qu’ils étaient pour l’Algérie française ou parce qu’ils étaient menacés pour leurs idées, c’est donc simplement parce qu’ils estimaient qu’ils étaient chez eux et qu’ils avaient des choses à défendre, finalement. Ces « Pieds-Verts », comme on dit parfois, sont restés après l’indépendance.
Pierre Daum : Je précise, quant aux sources, que ce n’est pas sous ma plume que cette phrase a été écrite : c’est une personne que j’ai interviewée. De mémoire, je pense que c’est Marie-France Grangaud, qui est la femme du couple Grangaud ; elle vit toujours à Alger d’ailleurs, ce sont ses opinions à elle qui sont rapportées ici. Cette opinion-là concerne les huit cent mille, elle parle de ceux qui sont partis, et elle propose une explication des motivations de ceux qui sont partis. Mon travail à moi n’est pas sur les huit cent mille-ci, mais sur les deux cent mille qui sont restés. Il est vrai, à partir du moment où je crée des fissures, et où je fais vaciller ce discours monolithique que l’on entend depuis cinquante ans, que ça pose la question, s’il y avait en fait des possibilités de rester, que ce n’était pas forcément la valise ou le cercueil, la preuve, il y en a deux cent mille qui sont restés, alors pourquoi les huit cent mille sont-ils partis ? Je comprends que l’on se pose la question, mais ce n’est pas l’objet de mon étude.
Public : J’ai d’abord été choqué d’entendre que l’on dise à Monsieur Saint-Hamont qu’un imaginaire peut être erroné à cause de ses propos. J’ai vécu les enlèvements, j’ai été arrêté par le FLN, j’ai eu la chance d’être libéré en juillet. Je suis parti fin 1966 avec ma femme et mes deux enfants, bien jeunes. Pourquoi ? Parce que mon appartement était visé par le concierge pour être attribué à un colonel de l’ALN. Comment l’ai-je su ? Parce que j’avais des amis algériens et que j’ai appris que le concierge avait construit un dossier volumineux contre moi et j’ai été protégé par eux ; j’ai vécu hébergé par des Algériens jusqu’à mon départ. Je préfère lire des historiens et leurs propos scientifiques plutôt que des propos évasifs d’un journaliste engagé.
Pierre Daum : Je ne vais pas raconter tout mon livre, mais le cas que vous évoquez, votre cas, en 1966, il s’en trouve aussi dans mon livre, et je ne dresse pas le portrait d’une Algérie telle une jolie prairie de marguerites où coule un long fleuve tranquille, pas du tout. Ce genre d’accaparement scandaleux d’appartement, ça a existé. Je cite un autre cas du même type, celui de quelqu’un qui s’est mieux « débrouillé » que vous, qui avait de meilleurs copains que vous, parce que vous avez tout à fait raison de dire que, dans l’Algérie des années 1960, c’était beaucoup en fonction des copains qu’on avait placés ici et là, et c’est peut-être toujours le cas, vous connaissez l’Algérie mieux que moi, lui a donc réussi à récupérer, ou plutôt à ne pas perdre son appartement, qui était convoité par un général.
Public : Je voudrais d’abord intervenir sur le premier mot qu’a employé Jean-Jacques Jordi par rapport aux Pieds-Noirs, « rejetés » par l’Algérie. Ils ont peut-être rejetés par l’Algérie, mais les premiers à les avoir rejetés, c’était l’OAS, parce qu’à partir de janvier 1962, la pression de l’OAS dans les grandes villes contre les Pieds-Noirs, s’est accentuée, alors qu’elles pensaient rester toute leur vie en Algérie, avec le drame des familles qui ont subi l’OAS, et on en parle peu. À Oran, par exemple, il y a eu des tentatives d’intimidation, je raconte ça dans mon livre qui s’appelle L’Écharde, publié par Maurice Nadeau. C’était une foire, c’était « se foutre de la gueule du monde ». Pour les Pieds-Noirs, c’étaient leurs terres, et pas celles des Algériens, Ils n’ont même pas pensé que c’étaient leurs terres à tous les deux, et ça c’est un drame de la colonisation, de ce qui a pu se passer en Algérie. Je suis restée en Algérie jusqu’au coup d’État de Boumediene et j’aurais pu rester après, prendre la nationalité algérienne, et j’avoue que je comprends le nationalisme algérien, alors que les choses ne sont pas simples. Je peux dire que pour la majorité, je veux bien croire qu’il y ait eu des problèmes. Avec mon frère et ma sœur qui étaient tout jeunes, on a fait des bagages, que l’on n’avait jamais fait : on ne pouvait pas voyager pendant la guerre. On y a été pendant des années et on y a bien vécu et c’est vrai que des appartements ont été accaparés, mes parents sont venus dans un quartier d’Oran réservé aux riches Européens, alors qu’ils étaient des « petits » Pieds-Noirs et que ce n’était pas un quartier pour eux. Mon père, qui avait été préparateur en pharmacie, et ma mère qui s’occupait de ses quatre enfants ont recommencé à travailler. On leur racontait des horreurs et c’est comme ça qu’ils sont partis, deux ans après ; et ils ont été très malheureux en France, parce que leur pays c’était là-bas, alors même qu’on leur a fait croire qu’il était dangereux, alors que l’on pouvait y vivre. J’étais moi-même enseignante, je n’avais pas fini ma licence, je voulais aider et j’ai planté à Oran des arbres de la liberté, il y avait un espoir extraordinaire. Ce n’étaient pas que les Pieds-Rouges, même s’il y en avait, qui pensaient que l’on pouvait construire un autre monde. Alors, Monsieur Jordi, lorsque vous décrivez un certain monde, notamment par rapport à l’OAS, je ne suis pas d’accord ; je suis moi-même historienne, et je n’ai pas trouvé les mêmes choses que vous.
Jean-Jacques Jordi : Je ne défends pas l’OAS, si vous me demandez ce que je pense de l’OAS, je suis clair là-dessus, ce sont des bandes de tueurs qui ont froidement tué des gens. C’est sûr qu’ils ont contribué à la terreur ainsi qu’à la surenchère de la terreur. En janvier 1962, FLN et OAS font cinq cent cinquante morts dont deux cent vingt Européens. On peut imaginer ce que c’est. Cependant, il ne faut pas faire de l’OAS les seuls responsables du départ, ils y ont participé mais ils n’en sont pas les seuls responsables. La terreur existait avant que l’OAS existe, dès 1961.
Fatima Besnaci : Puisqu’on parle de l’OAS, je voudrais vous parler de ce qui s’est passé le 26 mars 1962, lorsque des Pieds-Noirs ont été tués, alors qu’ils manifestaient, dont certains disent que ce sont des victimes de l’OAS. C’est un drame humain. En ce moment, il y a une polémique au sujet des lois sur le 19 mars 1962. Je fais de l’histoire mais je suis aussi à la tête d’une association de harkis et nous nous sommes positionnés contre cette loi, parce que l’abandon et le massacre des harkis n’ont pas été reconnus. Nous avons d’ailleurs fait une lettre dans laquelle nous donnons nos raisons ; nous avons fait l’inventaire de ce qui s’est passé après le 19 mars et nous avons parlé de beaucoup de choses. On a vu toutes les victimes. Ce qui s’est passé le 17 octobre 1961, tous les ans, nous sommes sur le pont Saint-Michel et nous soutenons les associations qui demandent la reconnaissance de cet évènement. On a beau dire, ce soir-là, on a jeté des êtres humains dans la scène. C’est pareil le 26 mars, c’est peut-être l’OAS, mais on a surtout tué des gens. Nous recevons des messages et j’ai été menacée parce que j’ai dit que le 26 mars, ce n’était pas nécessairement l’OAS. Mais bien sûr que l’OAS c’est une organisation criminelle, il n’y rien à en tirer mais il faut toutefois faire attention à ce que l’on dit et entrer dans la complexité des choses.
Daniel Saint-Hamont : Je suis né dans l’Algérie française. Ce que l’on réalise lorsque l’on va en Algérie aujourd’hui, au-delà du bon accueil qui nous est toujours réservé, c’est que les Pieds-Noirs, et au-delà les Français, ne se sont jamais posé la question de ce qui s’était passé la semaine qui a suivi, par exemple, l’indépendance de l’Algérie. On est le 22 juillet, par exemple. Les Algériens disent qu’ils n’ont pas compris pourquoi les Français sont partis comme ça, que s’est-il passé ? Il y a eu des administrations entières qui ont été décapitées. À Mascara, ma petite ville natale, il n’y avait plus de patron, il n’y avait plus rien, c’est un État qui était en train de se créer, en train de naître et qui s’est retrouvé sans administration alors même que cela lui était nécessaire. J’ai beaucoup parlé, dans mes films, dans mes scénarios, dans mes livres, des rapatriés, c’est quelque chose auquel je n’avais jamais vraiment pensé jusqu’à ce que je revienne en Algérie. C’est vrai que cela me donne matière à réflexion. Je suis face à des Algériens qui ont mon âge et qui me disent « Mais franchement, le lycée de Mascara, il n’y avait plus personne ! Il a fallu nommer un principal à toute vitesse, les profs étaient partis. Qu’a-t-on fait ? On s’est débrouillés ! »
Emmanuel Laurentin : Il y aussi l’exemple des Belges qui quittent le Congo en 1960. D’un seul coup, un pays se retrouve sans aucun cadre. Même si l’on ne peut pas comparer les situations. Une autre question du public ?
Public : J’ai senti de l’amour dans vos interventions alors qu’il s’agit d’une guerre de violence. Je voudrais dire à mes amis Pieds-Noirs, et aussi aux plus extrémistes, les plus éloignés de moi que l’Algérie est une terre mal-aimée. Les Européens ont voulu faire l’Algérie sans les Algériens. C’est un peuple invisible, alors que cet indigène, cet autochtone, qui était assis au pied d’un figuier ou d’un olivier, voyait passer l’Européen et il l’observait pour le découvrir et le connaître. À monsieur le journaliste engagé, Monsieur Daum, qui suit le principe de l’engagement, ce que j’aime, pourvu que cela engage à la discussion, l’Algérie qui a manqué d’amour, n’a pas compris ce qu’il se passait. Ce départ marque l’échec de la France, qui n’a pas su garder l’Algérie. La Nouvelle-Calédonie, lointaine, a pourtant été conservée et il a suffi de dépêcher un collège pour régler cette affaire.
Pierre Daum : Cela se passe tout de même trente ans plus tard, avec l’exemple de l’Algérie en tête.
Public : Il y a pourtant eu en Algérie des personnes de très bonne volonté, des libéraux, Emmanuel Roblès, Jacques Chevallier, la haute bourgeoisie, la haute bourgeoisie israélite, voulaient une Algérie fraternelle. J’aimerais avoir une pensée pour Monsieur William Lévy, assassiné par l’OAS alors qu’il était président du Parti Socialiste en Algérie.
Emmanuel Laurentin : Une autre intervention, s’il vous plaît.
Public : Après cette intervention lyrique, j’ai des questions simples à poser à deux intervenants. Madame Besnasci, j’ai entendu que vous présentiez les centres de détention comme des moyens de protéger les harkis des pro-FLN qui se trouvaient en France. Qu’en pensez-vous ? Monsieur Jordi, on a fait état de la présence française après 1962, par le biais de moyens logistiques, y compris l’aviation. J’en viens aux disparus, ce que les journalistes ont dénoncé. On aurait vu des convois d’hommes, de femmes, d’enfants, qui étaient envoyé dans des camps par le FLN. Je voulais savoir si ces deux informations sont des mythes ou s’ils correspondent à la réalité.
Fatima Besnasci : Je pense que c’était un alibi. Il y a deux choses : il y a effectivement le risque du FLN, mais il y a aussi le risque qu’ils rejoignent l’OAS, alors que l’OAS était décapitée, elle n’existait plus. On retrouve ça et là quelques bagarres entre les harkis et le FLN, j’ai deux cas où des harkis ont été assassinés. Toutefois, enfermer quarante mille personnes parce qu’il y a ces risques, cela paraît exagéré. Si vraiment on voulait attirer le FLN, c’était bien parce qu’ils étaient tous réunis, donc s’ils voulaient venir, poser une bombe, c’était très facile, on leur aurait même facilité la vie. Je pense que c’était simplement un alibi.
Jean-Jacques Jordi : Il n’y a pas de convois organisés comme j’ai entendu parfois dire, quinze camions, c’est sûr que cela n’existe pas. D’un camion on en fait quinze. Il y en a cependant parfois un avec dix, quinze, vingt, trente personnes dedans, que l’on envoie quelque part, dans des plâtrières par exemple, dans des vignes pour des travaux ou dans des camps. Comme disait tout à l’heure Madame Besnaci, quand il y a la Croix-Rouge qui vient enquêter, les autorités savent très bien qu’elle va aller dans tel et tel camp, donc on met les prisonniers dans des camions. Ce n’est pas toujours le même camion, mais c’est presque le cas ; il n’y a pas de convoi.
Public : C’est un problème franco-français, pas franco-algérien !
Fatima Besnaci : Si, Monsieur, c’est un problème franco-algérien. Pendant le dernier trimestre 1962, vingt mille hommes ont été envoyés à la frontière tunisienne, ils ont déterré à la main les mines et ils sont tous morts. La France est responsable des abandons, mais les massacres, c’est le fait de Boumediene, c’est lui qui les a envoyés à la mort, ce n’est pas la France, même si elle est complice des massacres. C’est dans le Rapport du CICR du 8 mars 1963, du colonel Samuel Gonard.
Jean-Jacques Jordi : Je crois qu’il y a beaucoup de dirigeants du FLN qui étaient pour une Algérie multiculturelle, etc. Je suis tout à fait d’accord, on en trouve partout des citations de ces hommes-là. Ceux qui ont gagné, entre autres Ben Bella, ceux qui ont pris le pouvoir avec Boumediene sont ceux qui ne veulent pas de cette Algérie-là. C’est la vérité des faits qui s’impose au discours politique.
Public : J’ai des questions à poser à Madame Besnaci et à Monsieur Jordi. Pourquoi la Guerre d’Algérie a-t-elle duré aussi longtemps ? Huit ans de guerre. Pourquoi les politiques n’ont-ils pas négocié avant ? Dans le même temps, dans le Sahara, la bombe atomique était en train d’être fabriquée et donc les politiques voulaient la finir rapidement ; y a-t-il un lien ?
Emmanuel Laurentin : Je suis désolé, on ne peut pas répondre à une question si complexe en si peu de temps, mais la question est posée.
Public : Ma question concerne les Pieds-Rouges. Qui étaient-ils et que sont-ils devenus ?
Jean-Jacques Jordi : Il ne faut pas rajouter un thème supplémentaire à la table ronde du jour. Je vous renvoie au livre d’une journaliste, Catherine Simon, écrit il y a deux ans Algérie, les années Pieds-Rouges.
Public : Monsieur, je ne suis pas d’accord, cela a un lien avec le thème de la table ronde : l’après-guerre, les Pieds-Noirs, les harkis, quelles ont été leurs relations avec les Pieds-Rouges ? Jusqu’à preuve du contraire, ils avaient la même nationalité, ils étaient citoyens français et ils cohabitaient sur une terre française. Ma question, c’est qui étaient ces Pieds-Rouges et que sont-ils devenus ?
Jean-Jacques Jordi : Bien sûr, je ne veux pas esquiver ; c’est une question intéressante. Les Pieds-Rouges sont des Français de métropole, donc les Pieds-Rouges ne sont pas des Pieds-Noirs, ça c’est clair et net. Ces Français de métropole, pendant la guerre d’Algérie, soit pour des raisons politiques, notamment d’extrême gauche (d’où la couleur rouge), soit des chrétiens, plutôt de gauche, ont soutenu la lutte du peuple algérien pour l’indépendance et, parmi eux, certains d’entre eux ont voulu poursuivre leur engagement après l’été 1962. Ils ont donc traversé pour la première fois la Méditerranée pour aider ce jeune État à se construire, se reconstruire, mais une minorité d’entre eux, qui étaient hyper politisés, qui étaient des révolutionnaires professionnels, ont voulu aider Ben Bella à construire la révolution. Quant aux rapports entre cette population et les Pieds-Noirs qui sont restés, en effet, à travers certains récits, on croise le regard qu’ont porté ces Pieds-Noirs à ces Pieds-Rouges qui ont débarqué. J’en ai recueilli dans mon livre. Il s’agit d’un regard un peu critique vis-à-vis des Français révolutionnaires qui faisaient les Monsieur Je-sais-tout, les Monsieur « Je sais comment il faut gérer l’Algérie ». Dans leur partie la plus politisée, qui a subi le contrecoup du coup d’État du 19 juin 1965, puisqu’ils s’étaient engagés politiquement dans l’équipe de Ben Bella, et cette équipe étant renversée, ces gens-là ont pris la poudre d’escampette, mais il ne faudrait pas réduire les Pieds-Rouges au noyau ultra-politisé. Il y a une masse plus large de Pieds-Noirs qui ne sont pas partis comme un seul homme en 1965, en revanche, à la fin des années 1960, Catherine Simon parle du Panaf, ce festival panafricain à Alger de 1969, comme leurs derniers feux, puisque la majeure partie part en 1966-1967. Ceci dit, certains Pieds-Rouges sont resté beaucoup plus longtemps en Algérie.
Public : Je n’ai pas d’expérience personnelle de la situation en Algérie. Pour moi, l’histoire, ce n’est pas exactement la mémoire. Vous parliez des mémoires respectives, et il y a un sujet qui m’interroge. Comment se comparent les mécanismes d’intégration des harkis et ceux des Pieds-Noirs ? D’autre part, la croissance économique a permis une intégration des Pieds-Noirs venus en France mais quelles sont les discriminations qui frapperaient les Pieds-Noirs aujourd’hui ? C’est une leçon sur la société française, machine toujours à discriminer.
Jean-Jacques Jordi : Harkis et Pieds-Noirs n’ont pas la même histoire ni la même intégration. Parmi ces quatre-vingt-dix mille harkis en 1968, il y en a à peu près quarante-sept mille qui passent par les camps. Ceux qui ne passent pas par les camps s’intègrent tout à fait classiquement, avec les mêmes problèmes que les autres immigrés, dus à la société, au travail, au nom, etc. On oublie une chose : dans le gouvernement français, à partir de de Gaulle, qui parle de ce magma dont il faut bien se débarrasser, on ne les a pas voulus, on les voulait pas. Dans les gouvernements français, si on va plus loin, les immigrés sont considérés comme inassimilables.
Fatima Besnsaci : Pour les harkis, même après la guerre, la guerre n’est pas terminée. Côté algérien, l’Algérie fraternelle, je prie pour. Un harki de plus de quatre-vingt-dix ans, le 29 avril 2012, pour fêter le cinquantième anniversaire a voulu se rendre en Algérie. L’Algérie a refoulé ce monsieur, avec sa bouteille d’oxygène. Les autorités algériennes l’ont rejeté, c’est incroyable, que craignaient-elles d’un homme tel que lui ?
Public : Dans cette tragédie, dans ce drame, il y a un acteur qui n’est pas invité, c’est le politique. Après avoir remercié Pierre Mendès France qui avait réussi de bonnes choses, nous voilà avec de Gaulle et Debré, Papon qui était préfet et qui a sévi de manière assez brutale, sans avoir assumé ses responsabilités dans la Déportation. Ces gens-là sont tout de même responsables et on ne les cite presque pas. Ils sont morts ou mourront paisiblement.
Public : Je voudrais savoir comment le FLN a pris le pouvoir. Ben Bella n’a-t-il pas été manipulé par les services français et les services égyptiens ? D’autre part, quand on parle des harkis, quid des massacres ?
Fatima Besnaci : Il y a un rapport que vous pouvez retrouver dans Les Temps Modernes, qui a été publié en 2012, le rapport du sous-préfet d’Akbou, Monsieur Robert. On a recensé près de deux mille cinq cent tués (on ne compte pas les femmes et les enfants). Le plus grand camp, c’était en Kabylie, c’était le camp du maréchal, qui a été vidé le 26 novembre 1962 quand la Croix-Rouge internationale est arrivée en Algérie.
Public : Je suis fils de Pieds-Noirs et depuis 1974, je m’intéresse à cette guerre. Je voulais simplement prendre la parole pour parler d’un autre acteur qui n’a pas été convoqué dans ce débat : la première génération de Français rapatriés. Je m’interroge sur ce qu’il advient des enfants des Pieds-Noirs rapatriés. Y a-t-il eu des recherches là-dessus ?
Daniel Saint-Hamont : Je voulais simplement dire que les débats comme celui auquel on assiste aujourd’hui nous montrent bien que les blessures ne sont pas refermées, et même pas cicatrisés. Pour ma part, j’ai choisi une autre démarche. J’ai souffert cruellement de ma naissance en Algérie, de cette guerre, de ce qu’elle a entraîné pour ma famille, mes amis en Algérie, mais en fin de compte, il faut une démarche presque religieuse : il faut savoir pardonner, je sais que c’est très difficile mais il faut. Quand je retourne en Algérie, ça continue à être mon pays et surtout je vois les jeunes, et je me dis que c’est notre devoir, peu importe notre origine, de leur tendre la main sinon de très très graves problèmes vont se faire jour à courte échéance en France.
Emmanuel Laurentin : Je voudrais parler du livre La petite fille sur la photo. L’auteur, Brigitte Benkemoun, se demande ce qu’est la mémoire sans les souvenirs. Elle n’a aucun souvenir, elle était trop petite, elle avait deux ans quand elle est partie, mais elle dit que la mémoire, elle l‘a transportée avec elle. Et elle continue de ressurgir dans sa vie aujourd’hui alors qu’elle a cinquante ans.
Pierre Daum : En France, les enfants des rapatriés de 1962 sont habitués au récit ou au non-récit de leurs parents, et souvent du seul récit ou du seul silence de leurs parents. Depuis que j’ai sorti mon livre, qui traite donc des Pieds-Noirs qui sont restés en Algérie, j’ai fait beaucoup d’interventions et les personnes qui posent le plus de questions et qui sont les plus enthousiastes à propos de mon livre, ce sont les enfants de rapatriés de 1962, qui en fait ont bien conscience que depuis qu’ils sont nés, ils sont un peu enfermés dans le seul récit de leurs parents, l’analyse du « c’était le cercueil ou la valise », or eux-mêmes se posent des questions, était-ce vraiment ça, mes parents n’avaient-ils vraiment pas le choix ?
Daniel Saint-Hamont : Les très jeunes Algériens qui ont seize, dix-huit ans, voient pour la première fois des Français, ces « horribles » Français que le gouvernement leur a décrits pendant cinquante ans, ils les voient pour la première fois, ils voient arriver des hommes, des femmes, qui sont très âgés, qui ne sont pas le diable. Il y a une immense curiosité.
Jean-Jacques Jordi : Il y a deux choses qu’il faut comprendre : les harkis, ce sont les enfants qui se sont battus pour leur père, les Pieds-Noirs, ce sont les pères qui se sont battus pour leurs enfants, c’est un peu différent. Et autant dans les bibliothèques des parents, vous avez des livres avec des photos pour la mémoire, des livres de photos, des livres dont les titres peuvent être L’Algérie de ma jeunesse, etc. ; chez les enfants il n’y a pas ça, il y a des livres d’histoire ; il y a une histoire à connaître face à des récits poignants. Pour savoir, les enfants lisent des livres d’histoire ; il y a un besoin d’histoire pour réinscrire le parcours familial dans une histoire qui concerne une période encore plus grande que celle de la guerre d’Algérie. Si vous regardez la période 1830-1962 à travers le prisme de cette guerre, vous comprenez beaucoup de choses. Les historiens doivent faire le lien.
Denis Pryen (fondateur des éditions L’Harmattan, co-organisateur du forum) : Merci aux associations qui ont organisé cette rencontre et aux éditions de L’Harmattan. Je souhaite qu’il y ait d’autres rencontres parce qu’il y a beaucoup de choses à dire. Je souhaite que tous ceux concernés par cette guerre travaillent pour que l’on puisse bien vivre ensemble. Merci.